Sur Twitter, Wendy Davis sénatrice texane qui s’est opposé à un projet de loi anti IVG est devenue une star. Au Texas, sa victoire témoigne de changements en profondeur.
Il s’est passé une chose étrange au Sénat texan dans la nuit de mardi à mercredi : alors que la Chambre des représentants de l’Etat avait approuvé le projet de loi restreignant l’accès à l’avortement dans la nuit de dimanche à lundi, les sénateurs texans n’ont pas réussi à faire de même.
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Le Sénat texan est pourtant tout aussi républicain et conservateur que son homologue. Mais le gouverneur adjoint du Texas chargé d’orchestrer ce débat n’a pas cherché à contourner l’obstruction que les Démocrates n’ont pas manqué d’opposer au projet de loi, qui aurait provoqué de nouvelles fermetures de centres IVG par dizaines après celles intervenues il y a deux ans, suite à l’instauration de nouvelles restrictions sur leur financement. Et il a pêché par excès de confiance. Car en tenant le crachoir pendant près de onze heures, la sénatrice démocrate de Fort Worth Wendy Davis est devenue une héroïne de la Twittosphère, où le mot-dièse #StandWithWendy (Soutenez Wendy) a dominé pendant des heures. Et surtout, quand les Républicains ont fini par réussir à bloquer l’obstruction démocrate, peu après 22 heures, ils ont perdu le contrôle de la tribune, que les défenseurs des droits des femmes, outrés, ont envahi par centaines.
Des Républicains bien imprudents
S’en sont suivi des questions de forme, formulées dans une ambiance chaotique. Et finalement un vote, dont les Républicains ont soutenu qu’il avait été entamé avant minuit et la fin de la session législative spéciale convoquée un mois plus tôt par le gouverneur Rick Perry. Mais la foule avait tellement hurlé son opposition dans la dizaine de minutes qui a précédé les douze coups de minuit qu’il était clair pour tout le monde que le vote n’avait pas eu lieu avant minuit et le gouverneur adjoint a dû finir par reconnaître son échec.
«Les Texans ont gagné », s’est réjoui Cecile Richards, la présidente de la fédération américaine de Planned Parenthood, équivalent du Planning Familial, qui avait fait le déplacement depuis la côte Est pour l’occasion. « C’était assez extraordinaire », renchérissait Rebecca Snearly au lendemain de cette folle nuit, alors qu’au centre de planification familiale des quartiers Est d’Austin, la capitale du Texas où avait eu lieu le débat, elle devait faire face aux demandes habituelles, relatives aux façons de prévenir une grosses non-désirée ou la contagion par une maladie sexuellement transmissible par exemple. La présence de jeunes femmes Hispaniques, Noires et Blanches indifférentes aux évènements de la nuit dans la salle d’attente du centre de planification était la meilleure illustration pour le personnel de Planned Parenthood que les intérêts des Texanes en matière de santé reproductive avaient pour une fois prévalu au Sénat.
Des choix difficiles à assumer pour les Républicains
Et même si le gouverneur Rick Perry a par la suite décidé de convoquer une session spéciale dans le cadre de laquelle les restrictions d’accès à l’avortement pourront être remises sur le tapis dès le 1er juillet, la victoire progressiste de jeudi montre que le Texas est en train de changer. « Décimer à ce point le Texas de ses centres IVG ? Personne ne veut prendre cette décision », s’exclamait ainsi au lendemain du débat la Texane Alexandra Garcia, qui travaille dans le domaine de la santé et estime que « les gens oublient que les femmes pouvaient avoir jusqu’à vingt enfants. C’est humain de vouloir limiter ce chiffre ! »
Mère d’une jeune femme militante des droits des femmes frustrée de n’avoir pu assister au débat en personne, Deanne Blackstone trouve également suspect que « des gens qu’on désigne pour appuyer sur un bouton » ne parviennent pas à voter. Mais le résultat de la nuit écoulée lui convenait, car « les femmes ont besoin que l’on respecte leurs vies privées. Les responsables politiques devraient rester en dehors de ces sujets. »
D’après un récent sondage, les Texans sont 47 % à estimer comme Deanne que les lois texanes en matière d’avortement n’ont pas besoin d’être renforcées, contre 38 % de Texans souhaitant des lois plus strictes et 14 % qui ne se prononcent pas.
Le Texas « transformé à jamais »
Ces chiffres traduisent aussi le fait que, quand les femmes font face à une grossesse non-désirée, leurs convictions religieuses ne les empêchent pas forcément d’y mettre terme. Au contraire même, semblerait-il, puisque les Hispaniques, encore largement fidèles à l’église catholique, « sont plus susceptibles d’avorter que les femmes blanches », signalent les Centers for Disease Control.
Arrivée il y a cinq ans de l’Iowa, où l’aide sociale lui semblait beaucoup plus développée, Jasmine Johnson a des amies qui ont dû avorter et elle aussi, « elle le ferait si elle devait ». Ce qu’elle ne comprend pas, c’est que la majorité républicaine cherche à restreindre l’accès à l’IVG alors qu’il est certain que cela va augmenter la demande pour les coupons alimentaires et grossir le nombre de bénéficiaires de l’assurance santé gratuite pour les plus démunis. « Dans le contexte texan de pénurie de services sociaux, cela m’interpelle », commente la jeune femme.
Alors certes, le Texas compte aussi beaucoup de personnes comme Nicole Johnson, vivant dans un quartier modeste d’Austin et mère de quatre enfants dont un décédé en bas âge. Elle « ne pouvait pas se permettre d’avoir plus d’enfants » et s’est fait ligaturer les trompes. Mais « ne croit pas à l’avortement » en tant que baptiste.
« Le gouverneur Perry et ses amis sont en train de créer une nouvelle génération de militants et de transformer l’Etat à jamais », a prévenu Cecile Richards, également fille de la dernière gouverneure démocrate en date, Ann Richards, ayant incarné l’Exécutif texan de 1991 à 1995.
Cécile Fandos à Austin, Texas
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