Jiang Yilei, jeune youtubeuse chinoise de 29 ans compte désormais 44 millions de followers sur la toile. En seulement six mois, la jeune femme est sortie de l’anonymat grâce à des vidéos filmées dans sa chambre diffusées sur Youtube.
Un ton satirique, une voix au débit précipité, des séquences courtes et des mots crus. La jeune actrice shanghaïenne Jiang Yilei évoque dans ses courtes vidéos un quotidien qu’elle connaît bien, celui des “balinghou”, ces Chinois de la génération des années 1980 d’un pays en plein essor. La comédienne fait preuve d’un humour grinçant à l’image de nos youtubeurs français : Camille Lellouche n’a qu’à bien se tenir ! Plus connue sous son nom de scène Papi Jiang, la youtubeuse ne mâche pas ses mots.
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En juillet, sa première émission de 90 minutes a été visionnée 74 millions de fois en une journée. Et son succès, elle le doit surtout à une courte vidéo publiée en novembre dernier. Dans celle-ci, la jeune comique se moque d’un concept à la mode chez les Shanghaïennes : glisser des mots anglais dans leur langue natale.
Jiang Ylei déconstruit les stéréotypes
Depuis, elle a déjà publié une soixantaine de vidéos dans lesquelles elle interpelle de jeunes Chinoises urbaines, avides d’argent et de pouvoir. La jeune femme n’hésite pas à casser les codes préétablis, certains diktats de la mode et stéréotypes sur le genre. « Ce type de choses que tu entends parfois : C’est un travail épuisant pour les femmes. Ce n’est pas fait pour elles. (…) Jouer au basket ? Les femmes sont mieux à la maison ! Une femme devrait avoir des cheveux longs. Une femme qui tente une aventure homosexuelle ça passe, mais je ne supporte pas ça chez les hommes ! Un homme infirmier… Euh”ironise-t-elle face caméra.
« Une femme qui va bien s’habiller par exemple, les gens lui demanderont : qui tentes-tu de séduire en t’habillant de cette manière ? Pourquoi essaies-tu de plaire avec ce look ? Mais si elles s’habillent mal, on leur dira : comment peux-tu sortir sans cette tenue ? Es-tu une femme ou non ? Ecoute-moi bien toi, je m’habille bien si je veux, et si je n’en ai pas l’envie, je ne le ferai pas.” La manière de parler, de se vêtir, de se tenir, dont les gens voient les femmes dans la société : Papi Jiang donne voix au féminisme chinois et démonte le machisme ambiant.
https://www.youtube.com/watch?v=Ao8DCKWxhTs
Elle évoque aussi la pression des parents sur leurs enfants dans les classes moyennes, souvent incités à se marier et s’enrichir très rapidement. « Le succès de Papi, elle le doit surtout aux travailleurs à col blanc qui aimeraient parler du fait qu’ils ont 39 ans, qu’ils ne sont pas mariés, mais devraient déjà l’être aux yeux de la société » explique Yu, directrice de la communauté d’applications en ligne au site du New York Times.
Et même si la jeune youtubeuse prend soin de ne pas toucher à la politique, sujet plutôt risqué dans son pays, elle pointe du doigt certains malaises de la société. Censurée une première fois en avril dernier pour ses jurons par les autorités audiovisuelles du pays (l’Administration d’Etat pour la radio, le cinéma et la télévision), elle fut contrainte de retirer « le contenu obscène et vulgaire » de son programme. Elle s’est alors engagée à ne plus franchir la ligne jaune, avant de revenir sur la scène Youtube pour le plus grand bonheur des internautes.
https://www.youtube.com/watch?v=hS7GfZsVNkw
Une jeune étudiante devenue star du web
Après plusieurs années dans la publicité comme actrice, puis assistante réalisatrice, la jeune femme décide de se lancer dans le théâtre. Elle intègre alors l’Ecole centrale d’art dramatique à Pékin d’où elle sort diplômée. Yang Ming, une ancienne camarade de classe et partenaire dans cette nouvelle aventure, raconte ses débuts dans une interview : « Nous avons vu que le phénomène de se filmer soi-même était en train de prendre une grande ampleur », alors les deux amies se disent : « Pourquoi pas nous ? »
En parallèle de ses études, Jiang Yilei se lance alors dans l’aventure. Elle réalise et met en scène elle-même ses vidéos avec toujours la même marque de fabrique : des coupes rapides et une voix accélérée.
Dans chacune de ces vidéos, la jeune femme termine systématiquement sur cette phrase : « Je suis Papi Jiang, une femme qui détient la beauté, et le talent ». Elle pourrait également ajouter l’argent. Il semble que les internautes ne soient pas les seuls à miser sur son talent. Des investisseurs ont déjà déboursé 12 millions de yuans (1,6 million d’euros environ) dans la société qu’elle a fondée pour lancer son programme vidéo.
En avril dernier, un site d’e-commerce spécialisé dans le maquillage aurait quant à lui versé lors d’une vente aux enchères 22 millions de yuans pour diffuser un spot publicitaire dans l’une de ses vidéos. On dirait bien que le succès ne fait que commencer.
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