Le secrétaire général de l’UMP assume sans états d’âme son “contrat” avec Nicolas Sarkozy. Pour mieux préparer la suite en 2017.
« Tout cela était écrit à l’avance !« Patron de l’UMP depuis quatre mois déjà, Jean-François Copé « assume » tout en bloc : la droitisation élyséenne, le débat périlleux sur la laïcité, la rivalité avec François Fillon.
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« J’ai tout de suite conçu mon rôle dans le prolongement de la présidence du groupe à l’Assemblée pour faire du parti le pilier numéro un de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. C’est la base même du contrat moral et politique que j’ai passé avec le Président. On a établi entre nous un lien très solide », confie le secrétaire général de l’UMP aux Inrocks.
« J’ai fait le choix de mettre le parti en mouvement, de le sortir de l’anémie », ajoute-t-il. Une surexposition risquée. Aujourd’hui, les langues se délient contre Jean-François Copé. Surtout après la défaite de l’UMP aux cantonales. Christine Boutin est prête à lui « faire une ordonnance » pour qu’il aille « se reposer à la montagne », Gérard Longuet l’appelle à garder son « calme », un conseiller de Nicolas Sarkozy lui reproche de « se laisser emporter et piéger par sa haine de Fillon ».
« Il parie sur la défaite de Sarkozy en 2012 »
L’ancien porte-parole de l’UMP, Dominique Paillé, désormais partisan de la démarche de Jean-Louis Borloo, décrypte ainsi la stratégie de Jean-François Copé : « Il parie sur la défaite de Sarkozy en 2012. Il droitise le parti, ce qui fait que les centristes sont contraints de s’en éloigner. Son but est de conserver un noyau dur, un parti à sa main, où tous les cadres auront été changés, un parti qui sera le premier opposant du socialiste élu président, et pourra reconquérir l’électorat Front national (…). Sa conviction profonde, c’est que son destin, c’est l’Elysée. Mais c’est quelqu’un qui est par ailleurs naturellement à droite », précise le radical.
Dominique Paillé relève « la stratégie inverse » de François Fillon, « qui est celle du maintien de l’unité de l’UMP ». Le Premier ministre « se présente comme l’homme de la synthèse, du consensus, du rassemblement de la famille, c’est comme cela qu’il faut lire ses récentes prises de position sur le front républicain ou la laïcité et ses appels à l’union. Mais les deux anticipent la défaite de Sarkozy et préparent 2017… Et Sarkozy a donné les clés de ses maisons à ses meilleurs ennemis. »
Un partisan de Jean-François Copé rejette cette analyse :
« Il n’y a pas de pari suicidaire sur 2012 ! Le seul sujet à l’UMP, c’est la stratégie du Premier ministre par rapport au président de la République. Aujourd’hui, il y a un axe Fillon-Bertrand, ils incarneraient la partie sociale de la majorité, et Copé et Sarkozy seraient les méchants de la droite… C’est une pure construction. »
Copé reconnaît qu’après 2012, » c’est une autre histoire qui commence », mais il n’entend pas se laisser contester son brevet de sarkozysme, surtout par son vieil ennemi Xavier Bertrand, qui l’a précédé à l’UMP. « J’affiche clairement la couleur », dit le député-maire de Meaux énumérant ceux qui forment autour de lui une « équipe de campagne » au service du président : « Nadine Morano, Valérie Rosso-Debord, Michèle Tabarot, Bruno Le Maire, Christian Jacob, Bruno Beschizza, Franck Riester, Luc Chatel, Brice Hortefeux, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Catherine Vautrin, Rachida Dati… »
Une majorité toujours dans la tourmente
Le départ de Jean-Louis Borloo, les états d’âme d’Hervé Morin, la dissidence de Dominique de Villepin, la mauvaise humeur de Christine Boutin : ça commence à faire beaucoup pour la majorité. A tel point qu’Alain Juppé, sage parmi les sages et fondateur de l’UMP, exprime désormais ses craintes de voir la droite repartir « vingt ans en arrière ». Bernard Accoyer, président UMP de l’Assemblée, rappelle que « la guerre des droites est un grand classique qui a conduit à de nombreuses déconvenues pour la droite et le centre. »
« Le problème, c’est la haine entre Copé et Fillon que Sarkozy laisse prospérer. Jean-François se laisse guider par ce sentiment. C’était la même chose avec Xavier Bertrand. Il lui reprochait des choses dont il s’est rendu compte à l’usage qu’elles étaient inhérentes au fonctionnement de l’UMP », explique un responsable du parti.
« On a l’impression que Sarkozy, Copé mais aussi Fillon et Borloo ont tout oublié des raisons qui ont fait qu’on a fabriqué l’UMP, se désole un député, c’était pour en finir avec la machine à perdre. Là, j’ai l’impression qu’ils construisent une machine à perdre toute neuve, plus performante que la précédente. On mesure la gravité de leurs actes au fait qu’ils en sont réduits à guetter les erreurs des socialistes, avec les primaires. Et pendant ce temps, Marine Le Pen croît et prospère. »
Jean-François Copé estime pour sa part que l’UMP a tout à gagner pour la campagne présidentielle en multipliant les débats. Le 31 mai, il défendra à l’Assemblée la proposition parlementaire issue des vingt-six propositions formulées dans le cadre du débat sur la laïcité du 5 avril.
« Pourquoi j’ai tenu dans ce débat, en dépit des injures, des clameurs ? Parce que dans le fond, on revenait là à l’essence même de la République. Pas une seule des vingt-six propositions que j’ai présentées n’a suscité d’opposition à l’UMP, on verra ce que fera la gauche », lance-t-il.
Fort opportunément le député de Seine-et-Marne met en avant la convention du 3 mai sur l’emploi, un thème plus conforme aux préoccupations des Français et moins clivant que le tout-sécuritéet-immigration servi depuis plusieurs mois par l’Elysée et l’UMP. Le débat sera confié au libéral Hervé Novelli, avant une convention sur la justice sociale qui sera animée par le centriste Marc-Philippe Daubresse. « Sur tous les sujets, il faut que les différentes sensibilités de l’UMP prennent leur part », explique Jean-François Copé.
Le secrétaire général de l’UMP, qui effectue un ou deux déplacements par semaine, souhaite que le projet qui sera soumis en novembre au probable candidat Nicolas Sarkozy « soit structuré autour de trois mots-clés : le courage de faire, le rassemblement et l’ouverture au monde ». Pour le rassemblement, ce n’est pas encore gagné.
Hélène Fontanaud
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