Le satirique Nordpresse.be a dénoncé une entente entre Facebook et l’Elysée concernant une possible censure du site suite à des propos humoristiques sur l’affaire Benalla. Facebook parle d’un « problème technique. Alors qui croire?
Depuis dimanche, en mettant en parallèlle l’attentat contre Charlie Hebdo, et la suspension du partage de leurs contenus sur Facebook, le site belge arbore sur sa page Facebook une bannière: « Je suis Nordpresse ». Dimanche, alors que le partage de ses publications était bloqué sur Facebook, le site belge a estimé être victime de la « censure », et notamment d’une collusion entre le réseau et les plus hautes sphères de l’Etat: « le patron de Facebook France est en lien direct avec l’Elysée », explique Nordpresse dans un post publié sur Facebook.
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Une censure à teneur politique?
https://twitter.com/Nordpresse/status/1020952411161100289?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1020952411161100289&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lemonde.fr%2Fles-decodeurs%2Farticle%2F2018%2F07%2F22%2Fbloque-sur-facebook-le-site-parodique-nordpresse-crie-a-la-censure_5334640_4355770.html
Ce dimanche matin, alors que le site criait à la censure politique et alertait sur « une démocratie qui est plus que jamais en péril« , son message a été entendu, notamment, par les politiques Raquel Garrido et Katell Favennec. Chargé en communication numérique chez La France Insoumise (FI) et responsable de la chaîne YouTube LeBonSensYT, Antoine Léaument tweete: « Je n’ai plus de mots ». Aude Lancelin, rédactrice au Média, réagit également: « Comment nomme-t-on un régime qui met l’humour hors-la-loi? », sans qu’une quelconque intervention de l’Elysée n’ait toujours été démontrée.
Et maintenant la censure sur les réseaux sociaux. C’est absolument intolérable.
Une explication, @facebook et @Elysee ?#AffaireBenallaMacron https://t.co/urgoj6dOdn— Raquel Garrido (@RaquelGarridoFr) July 22, 2018
Interrogé par 20 Minutes, Vincent Flibustier, la tête pensante du site, précisait: « Ce matin 10h je pouvais encore poster des liens #Nordpresse. Vers 11h ce n’était plus le cas. Les url étaient blacklistés ». La vague « #Nordpresse » et sa supposée censure se sont vite retrouvés en tête des tendances Twitter. Le site affirmait dans son post: « nous avons reçu des centaines de messages de gens qui ont vu leurs partages d’articles Nordpresse supprimés de Facebook puisque considérés comme indésirables. TOUS ces articles concernaient l’affaire Benalla ou Macron« . Le Monde a pu constater que tous les articles de Nordpresse ne pouvaient plus se partager, pas seulement ceux ciblant le président ou Alexandre Benalla. De plus l’accusation de censure sur Facebook était dénoncée via des posts sur Facebook, le compte n’était donc pas bloqué.
Facebook a finalement présenté ses excuses au site belge dimanche en fin d’après-midi. « Nous avons identifié un problème technique empêchant l’affichage des articles de Nordpresse.be, que nous sommes en train de régler. Nous nous excusons pour la gêne occasionnée. Il s’agit de problèmes techniques qui ne sont pas liés au contenu », s’est défendu le réseau dans un communiqué adressé au HuffingtonPost.
Nordpresse est-il vraiment un « Gorafi belge »?
Il est pourtant indéniable que le réseau social a la particularité de détenir un règlement des plus flous concernant la régulation des contenus. Ce qui n’a fait qu’alimenter la confusion autour de l’incident. Mais c’est la nature même des contenus de Nordpresse qui a divisé sur les réseaux sociaux. Si beaucoup dénonçaient une atteinte à la liberté d’expression, d’autres comme la journaliste Isabelle Kersimon, ont estimé: « »#Nordpresse n’est en rien l’équivalent de l’excellent Gorafi. Sous couvert d’humour noir, ce site diffuse des idées d’extrême-droite ».
#Nordpresse n'est en rien l'équivalent de l'excellent Gorafi. Sous couvert d'humour noir, ce site diffuse des idées d'extrême droite. Et les partage dans des groupes FN. Aujourd'hui, même la #FI prend sa défense dans une théorie du complot au sujet de Benalia.
— Isabelle Kersimon (@KersimonIsa) July 22, 2018
En mars dernier, le média se targuait d’avoir réussi à piéger les journalistes du Parisien sur le soutien de Manuel Valls à Emmanuel Macron,. La rédaction du Parisien avait alors réagi: « Notre papier est le fruit d’une enquête auprès de multiples sources, c’est évidemment un canular de Nordpresse ».
Soyons clairs, les journalistes du service politique du Parisien ne reprennent pas les infos d'un site parodique @Nordpresse. Merci!
— Muriel Pleynet (@MurielPleynet) March 14, 2017
Les nouvelles diffusées sur le site relève d’un humour qui se confond fréquemment avec de l’actualité mensongère. Comme leur article « Exclu: Alexandre Benalla était le voisin de l’enfant sauvé par Mamoudou Gassama (vidéo) » ou « Vice de procédure: Salah Abdeslam est libre. Les premières photos de sa sortie« . Et difficile de savoir quelle proportion de lecteurs partagent ces « nouvelles » sans comprendre qu’elles sont complètement inventées. Un député des Républicains a ainsi été victime de la confusion lundi sur Twitter, avec l’article « Le Général de Villiers: Benalla avait les codes nucléaires ».
https://twitter.com/AlexHervaud/status/1021336018786705409
Le site belge a de plus l’habitude d’utiliser des adresses similaires à celles de vrais médias afin de propager ses facéties : FranceInfoTele.com, LeCanardEnchaine.net… Ce faisant, il trompe volontairement le lecteur sur la source de l’information qu’il lit. Nordpress explique dans un post facebook cette confusion entretenue: « on fait acte de salubrité publique en mettant en lumière le manque d’esprit critique des gens. Les coupables, ce sont leurs parents, l’éducation nationale, les médias. Pas nous. »
https://twitter.com/Meriadeck/status/1020990803638915072
Comme l’a démontré Vincent Glad dans une enquête pour Libération, le créateur de Nordpresse, Vincent Flibustier, n’hésite pas à publier ses articles sur des pages Facebook de militants d’extrême-droite. Selon le fondateur de Nordpresse, le partage d’une de ces plaisanterie sur le groupe des « amis patriotes de Marine Le Pen » serait une pédagogie dissimulée: « Un imbécile apprend plus en comprenant qu’il s’est fait piéger qu’avec des articles de « fact-checking » qu’il ne lit pas, parce que ‘les grands médias mentent’« .
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