Est-ce la fin de l’Afrique maudite? Cinquante ans après la vague des indépendances et malgré de multiples crises, le continent se transforme à toute vitesse.
Misère, péril climatique, conflits armés, corruption, despotismes… : l’Afrique collectionne les fardeaux comme des trophées démoniaques. Objet de compassion, elle n’échappe pas à son destin de terre maudite. On la plaint, on la pleure parce qu’elle désespère. Aujourd’hui, un basculement décisif s’opère pourtant dans le regard porté sur le continent autant que dans la réalité de ses changements.
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L’Afrique noire s’est engagée sur la voie du renouveau, constatent de concert de nombreux auteurs. Tous cherchent à “regarder l’Afrique en face”, comme s’il était enfin temps de la “reconnaître”, comme y invitent Jean-Michel Severino et Olivier Ray dans Le Temps de l’Afrique. A travers une étude détaillée des mutations économiques qui secouent le continent depuis une dizaine d’années, les auteurs révèlent son autre visage : les économies africaines connaissent depuis le début du XXIe siècle une croissance économique annuelle bien supérieure à celle des Etats- Unis ou de l’Europe.
Le pessimisme n’est plus de mise
Entre tradition et modernité, “l’Afrique mue à toute vitesse” : intégration des économies locales dans les circuits financiers internationaux, envolée des échanges avec les pays émergents, développement des technologies, apparition d’acteurs africains au premier plan des relations internationales…
Tous ces changements, s’ils n’occultent pas la persistance des blocages politiques dans de nombreux pays, conduisent les commentateurs à revoir leur copie pessimiste lorsqu’ils énoncent des jugements définitifs sur l’Afrique.
Deux Subsahariens sur trois ont moins de 25 ans, c’est dire le potentiel d’inventivité que l’Afrique porte pour les prochaines décennies. Cette jeunesse africaine en devenir, le journaliste Stephen Smith l’a approchée de près lors d’un voyage en Afrique de l’Ouest et centrale, dans les postcolonies – les indépendances ont 50 ans – encore liées à la France.
L’Afrique « condamnée à repenser son modèle de société »
Smith révèle ici comment l’Afrique vit. Son périple dans les rues, en brousse, sur les marchés, loin du jardin secret des présidences africaines, lui a permis d’entendre les voix ordinaires de populations jeunes, qui n’ont “cure des ex-voto et cierges dédiés à la Françafrique”, qui font “du neuf africain à partir du vieux français”. Pour autant, comme l’explique l’éditeur malien et codirecteur du festival « Etonnants voyageurs » de Bamako, Moussa Konaté, “le Noir d’aujourd’hui est le produit de sociétés encore traumatisées par leur histoire récente”.
Par-delà le dynamisme traversant les sociétés africaines, l’Afrique noire est selon lui “condamnée, pour survivre, à réformer d’urgence son modèle de société”, c’est-à-dire à promouvoir la question des libertés individuelles – celles des femmes en particulier – et repenser le rapport entre individu et communauté.
Au-delà du pacte faustien passé entre les dirigeants de Paris et ceux des capitales africaines, au-delà de la guerre des mémoires, c’est aussi sur le champ de sa culture démocratique que l’Afrique de demain consolidera sa modernité libératrice.
Moussa Konaté, L’Afrique noire est-elle maudite ? (Fayard, 233p., 16,50 €)
Jean-Michel Severino et Olivier Ray, Le Temps de l’Afrique (Odile Jacob, 339p., 25 €)
Stephen Smith, Voyage en postcolonie, le nouveau monde franco-africain (Grasset, 323p., 18,50 €)
Vincent Hugeux, L’Afrique en face, dix clichés à l’épreuve des faits (Armand Colin, 192p., parution le 9 juin)
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