Après l’Assemblée nationale début décembre, c’est au tour du Sénat d’examiner le projet de loi « Territoires zéro chômeur longue durée », porté par l’association ATD Quart Monde pour lutter contre la précarité.
Entre 2008 et 2013, le nombre de chômeurs longue durée aurait augmenté de 56 % en France, ce qui représente aujourd’hui 2,5 millions de personnes. C’est ce constat, qui a poussé l’association ATD Quart Monde, dans sa volonté de lutte contre la précarité, à réagir et à imaginer ce projet. Son objectif paraît au premier abord utopique : proposer, à l’échelle locale, à toutes les personnes privées d’emploi sur le long terme qui le souhaitent, un contrat à durée indéterminée adapté à leurs compétences, rémunéré au smic et dans de bonnes conditions de travail.
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Redistribuer les dépenses liées au chômage
Pour les responsables du projet, s’il manque de l’emploi en France, il ne manque pourtant pas de travail. Leur constat : il existe au niveau local une multitude de besoins non satisfaits et de travaux qui seraient utiles à la collectivité qui ne sont pas effectués car ils ne sont pas considérés comme assez rentables. Parallèlement, le chômage longue durée isole les demandeurs d’emploi, et leur donne un sentiment d’inutilité.
Par ce projet, l’association veut donc combler ces deux vides en affectant chaque personne selon ses compétences et ses envies à des tâches nécessaires pour la collectivité. Car l’association ne cherche pas seulement à lutter contre le chômage mais également contre la précarité de l’emploi, qui selon elle inclut également le fait d’accepter des emplois éloignés des compétences et de la formation initiale des personnes.
Mais cela n’explique pas comment l’association compte trouver les ressources nécessaires au fonctionnement de son projet. Selon des études menées par l’association, le coût engendré par le chômage de longue durée est très important pour la société.
“Nous avons calculé qu’au bas mot le coût total d’un chômeur de longue durée par la collectivité varie de 15 à 20.000 euros par an. Il n’y a donc pas de problèmes pour financer des créations d’emplois” affirme Patrick Valentin. d’ATD Quart Monde.
Il serait possible et suffisant de rediriger ce coût pour financer les emplois manquants en assurant de bonnes conditions de travail. Les créateurs du projet sont persuadés que sur le long terme, l’emploi rapporte bien plus à l’Etat et à la collectivité que le chômage, si les ressources sont utilisées de façon plus propice.
Le projet prévoit donc d’utiliser les dépenses dues au chômage (allocation chômage, aide au logement) pour financer les nouveaux emplois qui seront créés, en les réallouant sous forme de salaire aux travailleurs. Pour permettre au projet de se lancer, c’est l’Etat qui va prendre en charge les dépenses des premières expérimentations (estimées à 10 millions d’euros pour la première années sur dix territoires). Et pour s’assurer d’un maximum d’efficacité, ce type de projet ne sera mis en place que dans les collectivités territoriales où l’ensemble des acteurs politiques et économiques sont volontaires et motivés.
Enthousiasme politique, scepticisme syndical
Les premières expérimentations ont déjà été lancées sur plusieurs territoires, qui ont commencé à évaluer la quantité et la nature de leurs besoins. C’est le cas de la ville de Pipriac, en Ille-et-Vilaine, par exemple, qui a évalué à 60 % la part des besoins qui serviront les intérêts collectifs et 40 % ceux qui serviront des entreprises privées. Ces besoins peuvent aller du désherbage d’espaces publics à l’aide au personnages âgées. Si les premières expérimentations sont concluantes, celles-ci seront élargies à d’autres territoires.
Le projet « Territoires zéro chômeur », qui a été reçu avec beaucoup d’enthousiasme à l’Assemblée nationale, a cependant suscité quelques critiques. De la part de Maurad Rabhi, par exemple, secrétaire général de la section textile à la CGT. Interviewé par Les Echos, il a exprimé son scepticisme :
« Il y a un risque de susciter de faux espoirs auprès des chômeurs de longue durée. Je ne nie pas que l’on puisse créer de petits boulots ici ou là, localement, mais il n’y a pas de solution miracle pour résoudre le chômage à grande échelle. Il y a plus d’interrogations que de solutions dans ce dispositif ».
Alors que François Hollande a conditionné sa candidature à un deuxième mandat à la baisse du chômage, la majorité est évidemment très favorable à ce type de projet.
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