Jeudi 2 mars, l’ex-ministre de l’Economie a enfin dévoilé les grands axes de sa politique, attendus depuis les débuts de sa campagne. Résultat : “un néolibéralisme à visage humain” pas franchement révolutionnaire.
Accusé par ses détracteurs d’être trop flou et de ne pas avoir de réel projet, Emmanuel Macron a enfin abattu ses cartes. A 53 jours du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat d’En marche ! a dévoilé son programme, le jeudi 2 mars, lors d’une conférence de presse bien ficelée.
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Près de 400 journalistes du monde entier étaient ainsi réunis au Pavillon Gabriel, dans le VIIIe arrondissement de Paris, pour écouter l’ancien ministre de l’Economie présenter les grands axes de ses six “chantiers” : l’éducation et la culture, le marché du travail, la modernisation de l’économie, la sécurité, le renouveau démocratique et la stratégie diplomatique.
Le favori de l’élection présidentielle a également tenu à rappeler que son programme “intervient à un moment important et grave”, à l’heure où “deux candidats ont choisi de s’attaquer délibérément à l’Etat de droit”, assène-t-il en référence aux affaires dans lesquelles ses adversaires, Marine Le Pen et François Fillon, sont empêtrés.
“Une voix conciliatrice entre les partis de centre gauche et droit”
“Est-ce un projet de droite, est-ce un projet de gauche ?, ironise Emmanuel Macron en préambule. Ma réponse, c’est que c’est un projet pour faire entrer la France dans le XXIe siècle, faire réussir le pays et donner à chacun une place dans la société.”
Balayant d’un revers de main les critiques de ses opposants qui dénoncent sa continuité avec la politique de François Hollande, le benjamin des candidats a prôné un programme qui souhaite avant tout trouver l’équilibre entre “la liberté et les protections”.
Mais où situer le projet d’En marche ! sur l’échiquier politique ? Pour Philippe Marlière, professeur de science politique à l’UCL, l’université de Londres, “c’est un programme passe-partout. Emmanuel Macron est une voix conciliatrice entre les partis de centre gauche et droit qui tentent de continuer ce qui a été fait par les gouvernements successifs depuis une vingtaine d’années.”
Une chose est sûre : on retrouve des mesures de droite et de gauche au sein de ce projet. Le candidat met l’accent sur l’investissement, le pouvoir d’achat et les salaires, tout en faisant revenir la France dans la moyenne européenne des déficits publics et en améliorant la compétitivité de son économie.
“Si l’on regarde dans le détail, son programme n’a rien de révolutionnaire”
“La particularité de monsieur Macron est d’apparaître comme quelqu’un d’extrêmement moderne, alors qu’en réalité, si l’on regarde dans le détail, son programme n’a rien de révolutionnaire”, martèle Philippe Marlière. “Il arrive à un score extraordinaire dans les sondages, en dépit du fait qu’il soit totalement responsable de la politique économique menée par François Hollande”, renchérit Christophe Bouillaud, professeur de science politique à l’IEP de Grenoble, qui ajoute qu’Emmanuel Macron “serait également en partie responsable” de la politique économique menée quelques années auparavant par Nicolas Sarkozy. Et pour cause : Macron a été le rapporteur adjoint de la commission Attali chargée, en 2007, par le président de la République, de rédiger un rapport livrant des recommandations et des propositions afin de relancer la croissance économique de la France.
Au cœur du projet macronien, on trouve avant tout la flexibilisation du marché du travail. “Je proposerai un système universel d’indemnisation du chômage et aussi un système universel de retraite plus transparent, plus efficace”, a déclaré l’ancien ministre de l’Economie lors de la conférence de presse.
Une vision qui s’écarte de celle de François Hollande et s’inspire de la “flexisécurité” des pays nordiques, ces réformes conduites à partir des années 1990 qui consistent à assouplir les règles sur le marché du travail tout en renforçant l’accompagnement des actifs et demandeurs d’emploi.
“Un libéralisme culturel au sens large”
En réalité, Emmanuel Macron mène une politique “néolibérale à visage humain, note Christophe Bouillaud. Ce n’est pas du thatchérisme tous azimuts mais il prône toutefois une flexibilisation du marché du travail, avec un accent mis sur la formation, et suggère que le chômage est la résultante de caractéristiques individuelles.”
L’ex-banquier d’affaires a également réitéré son désir d’exonérer 80% des ménages de la taxe d’habitation, un impôt qu’il qualifie d’“injuste, à la fois sur le plan social et territorial”. “Une mesure totalement démagogique qui va séduire les Français mais va entraîner des complications sans fin pour le financement des collectivités locales”, analyse Christophe Bouillaud.
La particularité du projet d’Emmanuel Macron, c’est sans doute son côté inclusif et progressiste sur les questions sociétales. Pour Fabien Escalona, chercheur en science politique, le libéralisme économique du candidat d’En marche ! “s’accompagne d’un libéralisme culturel au sens large. Sur le chapitre de la laïcité, il se différencie nettement de la droite, et même d’un certain courant de la gauche comme celui de Manuel Valls”, relève-t-il.
Une sorte d’héritier de Valéry Giscard d’Estaing
Le politologue Philippe Marlière voit en Emmanuel Macron une sorte d’héritier de Valéry Giscard d’Estaing. Elu président de la République à seulement 48 ans, Giscard mena une véritable politique économique de droite sous la coupe du FNRI (les Républicains indépendants), mais concrétisa de grandes avancées sociétales comme la légalisation de l’avortement, l’autorisation du divorce par consentement mutuel ou encore l’abaissement de la majorité civile et électorale.
“La grande différence entre les deux, c’est que Giscard a quand même été élu avec ce qui était à l’époque le deuxième grand parti de la droite, tandis que Macron y va sans parti. En marche ! n’est rien d’autre pour le moment qu’une nébuleuse de supporteurs”, insiste Philippe Marlière. Il a une carte à jouer qui est celle de rassembler les modérés de gauche et de droite, et ce sont eux qui représentent la majorité des voix en France. Cela peut fonctionner pour être élu, mais c’est un pari risqué pour gouverner sur le long terme”, conclut le politologue.
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