Faire la teuf sous le périph et manger éthique pour deux euros ? C’est désormais possible chez Freegan Pony, premier restaurant freegan de France qui vient d’ouvrir dans un squat parisien à l’air d’after berlinoise. Reportage. Un “resto clandestin freegan dans un squat à Porte de la Villette qui cuisine les invendus de Rungis” organisé par “Aladdin, membre […]
Faire la teuf sous le périph et manger éthique pour deux euros ? C’est désormais possible chez Freegan Pony, premier restaurant freegan de France qui vient d’ouvrir dans un squat parisien à l’air d’after berlinoise. Reportage.
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Un « resto clandestin freegan dans un squat à Porte de la Villette qui cuisine les invendus de Rungis » organisé par « Aladdin, membre du collectif Pipi Caca et du Péripate » ? A lui seul, cet énoncé suffit à intriguer. Lier le freeganisme, mouvement qui lutte contre le gâchis alimentaire, à Aladdin Charni, trentenaire de la night parisienne connu pour ses afters en squats et son collectif au doux nom de « Pipi Caca », semble à première vue une association cubique.
Le freeganisme appelé aussi déchétarisme, voire même ‘gratuivorisme’, est un mode de vie alternatif qui dénonce la surconsommation, en récupérant des invendus, notamment ceux jetés à la poubelle par les supermarchés. Aux Etats-Unis, où il prend l’appellation de dumpster diving (traduction de ‘plongeon dans les poubelles’, beaucoup plus fun que son équivalent français) est sorti en 2010 le documentaire Dive ! qui décrivait ce phénomène devenu mondial.
La cause en soi est imparable : personne ne peut nier l’impact du gâchis alimentaire sur la pauvreté, sur le climat. Mais l’hilarant sketch de Portlandia ci-dessous, série connue pour ses parodies des hipsters, nous interpelle sur l’existence d’un tel lieu à Paris : en quoi des gens qui travaillent et gagnent leur vie ont besoin d’aller fouiller dans les poubelles ?
De surcroit, quelle est leur légitimité pour revendre ces produits ? Énième opération de com à la veille de la Cop21 ? Resto pour bobo en manque de sensations fortes dans des quartiers périphériques non encore gentrifiés ? En fait, non. Ce resto qui cuisine les invendus de Rungis, le plus grand marché du monde, pour sensibiliser au gâchis alimentaire est militant, actif et décalé. Planqué sous le périph, l’entrée ressemble bel et bien à une after berlinoise.
Pas de videurs, pas de queue, pas de cocktails à 15 euros, on traverse un couloir avec un piano abandonné et on arrive dans cette salle mi-claire mi-obscure exactement sous le périph.
Ne serait-ce que pour rencontrer le charismatique Aladdin, le lieu vaut le détour. Grand brun au débit mitraillette, Aladdin compile à lui tout seul tous les traits de l’anti-cliché : pédé, musulman, squatteur, fils d’immigrés (d’un ouvrier et d’une caissière), organisateur d’afters mémorables pour tous ceux qui y ont déjà assisté et freegan avant l’heure puisque sa « grand-mère déjà pratiquait » : « L’autre intérêt de faire un resto freegan, c’est que comme les produits doivent être consommés le jour même, ils sont frais, pas surgelés ». Comme ils ne peuvent pas prévoir ce qu’on va leur donner, ils improvisent chaque jour.
Dans ce squat, tout est 100% récup : nourriture de Rungis, meubles donnés par Emmaüs, verres par Duralex et divers électroménagers par Philips. Bien sûr, pas de loyer à payer. Un chef et deux apprentis officient avec l’électricité du générateur, aidés par des dizaines de bénévoles qui visiblement se donnent du mal pour que tout fonctionne. Tous les plats sont à deux euros.
Au milieu des convives aux origines sociales variées, Aladdin déambule en jean troué et pull COS :« Je vois pas pourquoi on pourrait pas avoir un pull COS et être un squatteur ou un militant. Je m’en fous des cases ». Que compte-t-il faire pour les dizaines de migrants syriens, arrivés depuis trois semaines sur ce même rond-point sous le périph que l’on doit presque enjamber avant d’arriver :« On va essayer d’avoir un spectre : inviter tout le monde, des SDF, des prostituées ». Un peu comme la Disco Soupe, une autre organisation freegan qui distribue des aliments dans une ambiance festive, est-ce que la convivialité et la fête ne seraient pas devenues le meilleur moyen de sensibiliser les gens ?
Allez y, avant qu’ils se fassent virer. Et bon courage pour trouver l’entrée.
France Ortelli
Freegan Pony. Ouverture les vendredi, samedi, dimanche et le lundi à partir du 7 Novembre. Sur réservation.
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