Hier, les lycéens et étudiants ont été au moins 100 000 à scander “El Khomri, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue !”, manifestant contre le projet de loi travail. Alors que François Hollande avait assuré lors de sa campagne en 2012 qu’il voulait être président “pour la jeunesse de notre pays”, peut-il se permettre d’avoir cette […]
Hier, les lycéens et étudiants ont été au moins 100 000 à scander « El Khomri, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue ! », manifestant contre le projet de loi travail. Alors que François Hollande avait assuré lors de sa campagne en 2012 qu’il voulait être président « pour la jeunesse de notre pays », peut-il se permettre d’avoir cette même jeunesse, placée au coeur de son projet, contre lui ? C’est la question maîtresse de l’émission Du grain à moudre, diffusée le 7 mars dernier sur France Culture.
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Les jeunesses, sur la défensive face à « une expérience générationnelle, celle de la vulnérabilité sociale », ne plébiscitent pas toutes le même mode de protestation. Les lycéens et étudiants peuvent choisir de manifester, tandis que les jeunes travailleurs ou déscolarisés tendent plutôt à faire entendre leur voix par les urnes, à travers des votes protestataires comme le vote Front national, assure la sociologue Anne Muxel.
Les politiques ont peur de la jeunesse
Bien que les politiques survalorisent la jeunesse, outil de communication imparable, ils la craignent tout autant. Profitant d’une période de la vie qui permet une grande disponibilité pour une quelconque rébellion ou manifestation, la jeunesse est imprévisible. Comme le remarque Anne Muxel, Mai 1968 fut une mobilisation imprévue et subite, dans une France que beaucoup croyaient paisible. Pour preuve de cette peur des classes dirigeantes vis-à-vis de la jeunesse, elles la soupçonnent constamment « de ne jamais être ce qu’elle devrait être », assure-t-elle :
« Quand ils ne se mobilisent pas, les jeunes sont accusés d’être apathiques et individualistes. Quand ils manifestent, on les soupçonne d’être manipulés par les syndicats ou les partis politiques. »
C’est ainsi que les étudiants, appelés à manifester hier, notamment par l’Unef, sont vus par certains comme manipulés par les frondeurs du Parti socialiste. Pourtant, pour le philosophe et sociologue Michel Vakaloulis, loin d’être manipulés par une partie de la gauche, les jeunes n’arrivent pas à se définir dans le traditionnel clivage droite/gauche.
Une jeunesse capable de fédérer la société
En plus d’être un véritable enjeu symbolique pour le pouvoir, une mobilisation de la jeunesse peut entraîner avec elle les autres pans de la société, soutient Anne Muxel :
« La plupart des grands mouvements de ces dernières années ont commencé dans les universités, puis ont petit à petit fédéré une mobilisation sociale. Les parents et grands-parents partagent souvent le même sentiment de précarisation de leurs enfants et petits-enfants. »
Michel Vakaloulis estime d’ailleurs que le mouvement des Indignés, conduit par une « Jeunesse sans futur » (« Juventud sin futuro »), « a bouleversé l’équilibre des forces politiques, avec l’apparition de Podemos, troisième force politique de l’Espagne ».
Des mouvements de jeunes très populaires dans les sondages
François Mitterrand lâchait en 1968 : « si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. » La jeunesse a l’atout de la popularité, et sa communication parle au plus grand nombre, contrairement à celle des gouvernants, souvent illisible. Alors qu’ils dénonçaient hier une fracture générationnelle entre jeunes et classes dirigeantes, les jeunes de France pourraient ainsi inciter une partie du peuple à dénoncer une société que beaucoup jugent bloquée.
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