Mettant en scène un antihéros drôle et dangereux, le récit d’aventure de Schrauwen et Ruppert & Mulot est le prétexte à un savoureux délire graphique.
Egocentrique, grossier, dépourvu de valeurs morales ou de pitié, Guy est une ordure, prêt à tout pour une bouteille de rhum. Il ferait passer le Gros dégueulasse de Reiser pour un être sympathique, c’est dire.
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L’aventure au bout du goulot
Quand il ne commet pas de menus larcins, Guy n’hésite pas à sortir son couteau pour suriner les imprudents qui ont le malheur d’être sur son passage. Mais Guy a une excuse, celle de devoir survivre à l’époque des flibustiers et des brigands de grand chemin.
Se consacrer à un antihéros si repoussant constitue un défi osé que le Belge Olivier Schrauwen (aka Arsène Schrauwen à L’Association) et le duo français Ruppert & Mulot relèvent ensemble. Si on suit avec plaisir les déboires de leur jean-foutre sans cesse assoiffé, c’est que, de par son comportement outrancier, il se montre drôle, souvent volontairement, parfois non.
Portrait d’un buveur ne marche pas dans les pas d’Isaac le pirate, ici le souffle de l’aventure se trouve mêlé à une brume étrange.
Le début de cet album ressemble à celui d’une hilarante comédie musicale décalée : Guy y interprète sa chanson fétiche, absurde et entêtante comme du Katerine. Ensuite, l’histoire se corse, il quitte la terre ferme pour gagner les flots. Mais Portrait d’un buveur ne marche pas dans les pas d’Isaac le pirate, ici le souffle de l’aventure se trouve mêlé à une brume étrange.
Un délire graphique
A la trame quasi classique du récit de hors-la-loi, les trois auteurs greffent des éléments surréalistes et métaphoriques qui viennent semer la zizanie, créent des fausses pistes ou des trappes sous nos certitudes. Œuvrant à la fois comme chorégraphes, dialoguistes trash et peintres, ils malaxent leur matière première pour en tirer des formes surprenantes. La manière même avec laquelle leurs traits se mêlent et se complètent influe sur la mise en scène.
Ruppert et Mulot, par exemple, s’éclatent dans les scènes de combat, tandis que le soin apporté aux couleurs par Olivier Schrauwen donne à certaines pages d’inattendues teintes mélancoliques. A la fois art book, livre d’humour, réflexion narquoise sur la mort et l’aventure, Portrait d’un buveur est un délire graphique pour lequel il faut être prêt. Une fois l’embarquement effectué, le voyage n’est que plaisir.
Portrait d’un buveur (Dupuis), 184 p., 28,95 €
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