La place de l’est parisien agrège des collectifs plus ou moins marginaux. Marion Desquenne les a côtoyés durant quelques semaines pour un documentaire.
Place de la Nation, on les croise chaque jour, à l’ombre des colonnes de Ledoux. Certains les toisent, d’autres les ignorent : leur anonymat les protège d’une proximité trop appuyée avec les passants affairés de ce quartier populaire. Graffeurs, skateurs, biffins ou travailleurs clandestins, ils sont moins les “invisibles” ou les “oubliés” de la France actuelle que “les anonymes de la Nation”. Des anonymes facilement repérables que la réalisatrice Marion Desquenne, habitante du quartier, a filmés au plus près durant des semaines, sur un mode “gonzo”. A travers les quatre portraits de collectifs ayant fait de la rue l’espace exclusif de leur (sur)vie quotidienne, elle esquisse le portrait d’un lieu symbolique autant que d’un territoire physique central de Paris : une place dont la promesse se joue dans le rassemblement de tous les citoyens qui composent un pays.
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Graffeurs, skateurs, biffins
Or chaque sous-communauté ici filmée n’agit qu’à la marge des règles de la nation et du pacte républicain. D’un côté, les graffeurs et skateurs s’accaparent avec légèreté l’espace urbain pour en détourner les usages et les règles, quitte à défier les autorités disciplinaires qui voient d’un mauvais œil ces jeux de déplacement sur la chaussée et ces graffitis sur les murs ; de l’autre côté, les voyageurs clandestins, circulant entre la place de la Nation et les pays de l’Est, et les biffins, qui font les poubelles pour revendre à la sauvette leurs marchandises de fortune, résistent comme ils peuvent à la misère qui les a presque tous jetés à la rue.
Si rien, ni leurs pratiques ni leurs origines sociales, ne rassemble ces groupes, tous subissent à leurs niveaux respectifs l’implacable rançon de la guerre de l’immobilier à Paris. Place de la Nation, les anonymes risquent de devenir à terme les disparus. C’est ce glissement progressif vers l’effacement de ces divers marginaux parisiens que Marion Desquenne traduit imperceptiblement sur sa place, dont la Nation n’est qu’un nom imparfait.
Les Anonymes de la Nation documentaire de Marion Desquenne, lundi 18, 23 h 25, France 4
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