Le Parti pirate international a tenu son assemblée le week-end dernier à Prague, pour s’organiser face à Acta mais aussi pour discuter d’un programme commun pour les européennes en 2014. En Allemagne, un sondage en fait la troisième force politique du pays, et en France, des candidats se dévoilent pour les législatives de juin prochain. Rencontre.
Au coeur du quartier de la Goutte d’Or, le Parti pirate a choisi le théâtre engagé du Lavoir moderne parisien pour faire son coming-out politique. « A ce jour, nous avons 42 candidats confirmés pour les législatives et une vingtaine de dossiers sont en cours », annonce fièrement Romain Rivière, trésorier de cette nouvelle formation, devenue un parti en 2009. L’un d’entre eux est Hervé Breuil, directeur du théâtre et candidat du Parti pirate dans la 19e circonscription de Bertrand Delanoë. En partie pour sauver cet ancien lavoir du 19e siècle menacé pour « des raisons immobilières, économiques, politiques », mais aussi parce qu’il partage leurs valeurs de « liberté culturelle, de transparence et de démocratie ouverte ».
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Pour ces élections, l’objectif du Parti pirate est d’obtenir 75 candidats, afin d’avoir accès à un spot TV de trois minutes sur l’antenne publique et de dépasser les 1% de suffrages dans 50 circonscriptions, seuil qui permet un financement public.
Pas que des geeks
Hadopi, Loppsi, Sopa, Pipa, Acta, les luttes du Parti pirate sont souvent assimilées à la série de projets de lois et de traités qui visent à réguler le Net et restreindre les libertés individuelles. Dernier en date, le traité Acta passé au peigne fin par Slate, qui fait l’objet d’âpres négociations depuis trois ans entre une quinzaine de pays. Manifestations régulières contre ce traité anti-contrefaçon, doutes des eurodéputés, ces problématiques s’offrent une place de plus en plus visible dans la société.
Le rapporteur britannique David Martin a conseillé il y a quelques jours aux eurodéputés de rejeter le traité car « les bénéfices attendus de cet accord international sont largement inférieurs aux menaces qu’il fait peser sur les libertés civiles ». Aujourd’hui, les militants du Parti Pirate ne veulent plus seulement alerter sur cet arsenal législatif, mais ils veulent participer au débat politique à voix égale avec les partis traditionnels.
Où sont les femmes ?
Mais les flibustiers ne sont pas (que) des geeks. Ils s’attaquent également à la justice, qui doit être totalement déliée du gouvernement selon eux, au fichage « généralisé et centralisé », au respect de la protection des sources pour les journalistes et les lanceurs d’alerte (style Wikileaks), à l’ouverture des données publiques, à une traçabilité des produits commercialisés, une publicité des revenus des élus, un développement des énergies renouvelables, etc.
« Votre programme est intéressant mais où sont les femmes ? » interpelle une chercheuse du CNRS dans la salle. A l’image des instances de représentation en France, le taux de femmes dans les candidatures du Parti pirate avoisine à peine les 15-20%. Maxime Rouquet, le coprésident du parti tente une réponse :
« Nous sommes ouverts à toute venue dans le parti, nous enjoignons les femmes à nous rejoindre, mais nous refusons la politique des quotas et de la parité imposée, qui est une barrière pour les petits partis. »
Véronique Bover-Sayous, candidate pour la 2e circonscription à Paris – face à François Fillon et Rachida Dati – , prend alors la parole : « Ne vous en faites pas, c’est un mouvement en cours ! Pour nous les inégalités hommes/femmes sont un problème culturel et d’éducation et ne va pas se résoudre avec des artifices législatifs. » Sur cette question, le Parti pirate propose par exemple la suppression du sexe sur la carte d’identité pour « limiter toutes sortes de discriminations ».
Metteuse en scène et titulaire d’une formation de juriste, Véronique Bover-Sayous s’est engagée en politique l’an dernier en suivant le mouvement des Indignés à Paris. Séduite par le concept de démocratie directe, elle s’est tournée « naturellement » vers le Parti pirate :
« Nous sommes englués dans une crise, un système obsolète, qui permettent justement une grande impulsion culturelle. Il y a un changement qui s’opère, et c’est passionnant. »
Campagne zéro dépense
Mais le changement, c’est pas encore pour maintenant pour certains. A la fin de la conférence, le petit groupe se réunit autour de la télé au fond de la salle. Le correspondant de BFM TV se lance dans une présentation hallucinée du Parti pirate allemand, désormais troisième force politique du pays selon un sondage : « dépénalisation des drogues, légalisation du téléchargement, aucun programme concret, et pourtant ils attirent de plus en plus de jeunes perdus dans le paysage politique ! » En gros. « Eh ben c’était du concentré niveau cliché ! » s’exclame un pirate sympathisant. Heureusement, ARTE est là.
Cette conférence-apéro a lancé le coup d’envoi d’une campagne, uniquement virtuelle, évidemment. Pour des raisons financières (« objectif zéro euro de dépense ») mais également pour ne pas se normaliser d’emblée avec le trio traditionnel tract-affiches de campagne-meeting : leurs affiches (créatives) et programme ne seront donc pas visibles dans les rues. Mais les candidats si : « Chacun va sillonner son quartier pour expliquer nos propositions et prouver que tout ce qui touche à l’économie numérique touche à l’économie en général. Nous sommes une force naissante de l’âge d’internet et un jour, c’est sûr, nous aurons des élus en France » assure Maxime Rouquier.
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