Il n’a pas besoin de se montrer, fin août, à l’université d’été de la France insoumise (LFI) à Marseille, pour être sur toutes les lèvres. Au détour d’un stand militant ou d’une table ronde thématique, on salue tantôt son traitement distancié de la crise au Venezuela, tantôt sa critique intransigeante des “médias dominants”. Celui dont […]
Fidèle à son histoire, Le Monde diplomatique n’a rien perdu de son mordant antilibéral. Un positionnement en adéquation avec les luttes sociales qui lui a permis de conquérir de nombreux lecteurs.
Il n’a pas besoin de se montrer, fin août, à l’université d’été de la France insoumise (LFI) à Marseille, pour être sur toutes les lèvres. Au détour d’un stand militant ou d’une table ronde thématique, on salue tantôt son traitement distancié de la crise au Venezuela, tantôt sa critique intransigeante des “médias dominants”.
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Celui dont on parle n’a pas de visage, pas de parti, il n’a jamais été candidat à la présidentielle et pourtant, à défaut de gouverner, il gagne des points dans la bataille culturelle. Le Monde diplomatique, fondé en 1954 par Hubert Beuve-Méry – à l’origine comme supplément du Monde destiné aux “cercles diplomatiques” –, affiche une santé insolente dans un paysage marqué par l’érosion des ventes.
“Moins de jus de crâne et plus de reportages”
Diffusé à 156 300 exemplaires en moyenne en 2016 (en progression de 11 % par rapport à 2014), et fort de 92 000 abonnés, le mensuel de la gauche antilibérale vit une période faste. Il n’avait plus connu une telle embellie depuis la naissance du mouvement altermondialiste avec l’insurrection zapatiste de 1994, la fondation d’Attac en 1998 et la “bataille de Seattle” en 1999.
Pourtant, ses engagements n’ont pas varié. Et c’est tout juste si Dominique Vidal, son rédacteur en chef jusqu’en 2006, remarque une inflexion sur la forme, où “un gros effort a été réalisé depuis plusieurs années pour faire moins de jus de crâne et plus de reportages, des papiers de journalistes et pas d’idéologues”.
Un poste d’observation idéal
“La ligne éditoriale a été très constante, Le Diplo ne fait pas de racolage. Ce qui explique ce regain d’intérêt, c’est donc moins Le Diplo lui-même que le contexte extérieur”, analyse l’essayiste Aurélien Bernier, qui y collabore.
Dans un contexte de bouleversement de l’équilibre international, de crise généralisée de la social-démocratie et d’émergence de mouvements anti-austérité, la spécialisation des journalistes et universitaires qui publient dans les colonnes du Diplo en ont fait un poste d’observation idéal pour de nouveaux lecteurs plutôt jeunes et urbains.
Une demande de radicalité politique
Pour Dominique Vidal, Serge Halimi (directeur de la rédaction depuis 2008) et son équipe (renouvelée depuis le départ d’Ignacio Ramonet, Alain Gresh et Maurice Lemoine) “ont réussi à fournir une nouvelle grille de lecture pour comprendre le monde, alors que tous les outils d’analyse issus de la guerre froide étaient obsolètes”.
Mais loin de se contenter d’interpréter le monde, Le Diplo espère contribuer à sa transformation. Alors que le fond de l’air a subrepticement rougi au printemps 2016 en France, il s’est ainsi trouvé en adéquation avec une demande de radicalité politique – ou du moins d’alternative au “consensus néolibéral”.
“Une qualité éditoriale non démentie”
“La progression du Diplo s’explique par la conjonction entre un climat politique favorable et une qualité éditoriale non démentie”, résume l’historien du communisme Roger Martelli.
Le 2 juin 2016, en plein mouvement contre “la loi El Khomri et son monde”, Le Diplo mouille la chemise. Ce jour-là, François Ruffin a les larmes aux yeux à l’écoute du discours de Serge Halimi devant l’intersyndicale du Havre. “Nous sommes venus vous dire notre solidarité. Soutien et solidarité contre les coups bas de la presse, les coups de menton du gouvernement, les coups de matraque de la police ! Soutien et solidarité contre ceux qui qualifient les résistants que vous êtes de minorité radicalisée !”, proclame-t-il.
Farouchement méfiant
La présidentielle de 2017 aurait pu donner un coup d’arrêt à la dynamique de l’éminence grise de la gauche de gauche : Le Diplo se tient toujours à distance respectueuse des intrigues politiciennes. Il n’en fut rien. Alors que le grand raout électoral bat son plein et que les unes élogieuses sur Emmanuel Macron se multiplient, l’écho de la campagne du Diplo en faveur de l’indépendance de la presse est décuplé. Sa “carte de la propriété de la presse” au format A3 passe de main en main, au moment même où sa diffusion augmente, selon la direction.
Pour sa part, Le Diplo appartient à 49 % à son personnel et à l’association de ses lecteurs – le reste est une filiale du Monde – ce qui lui permet de disposer à plein de sa liberté éditoriale. Farouchement méfiant vis-à-vis des sollicitations médiatiques, qu’il décline, il préfère suivre son propre agenda.
“Est-il devenu vraiment trop compliqué de réserver son énergie politique à la défense de ses idées ?”, s’interrogeait Serge Halimi dans son édito en novembre 2016. Les résultats du Diplo prouvent que le message commence à passer.
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