[Chaque semaine, nous analysons un meme] Un tweet du Premier ministre a été détourné par des centaines d’internautes. Les infographies « simplistes » sont en effet de plus en plus utilisées par la communication politique et les médias.
On n’a pas toujours besoin de traverser l’Atlantique pour trouver un bon meme. Exit, Shia Leboeuf. Cette semaine, c’est Manuel Valls qui s’est sacrifié sur l’autel du LOL, avec un tweet savoureux daté du 9 juin dans lequel il explique qu’amplifier la croissance fera baisser le chômage.
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Pour mieux faire passer le message, le gazouillis est accompagné d’une savoureuse « infographie » minimaliste qui illustre le mot « amplifier » par une flèche qui monte et « faire baisser » par une flèche… qui descend.
C’est en nous appuyant sur les TPE-PME que nous pourrons amplifier la croissance et faire baisser le chômage pic.twitter.com/4vkCGOU4o7
— Manuel Valls (@manuelvalls) 9 Juin 2015
La mise en scène grossière de l’information que voulait partager le gouvernement a été rapidement détournée par des internautes facétieux.
Ci-joint, mon CV de graphiste pour bosser à l’IFREMER pic.twitter.com/unjtfBDrCc
— marc rees (@reesmarc) 9 Juin 2015
L’infographie du jour, créée via http://t.co/w053Hrps77 (codé par @robinberjon) pic.twitter.com/QC9Jmo1Nx2
— Nicolas Hoffmann (@Nico3333fr) 9 Juin 2015
Allez… #TweeteCommeUnValls pic.twitter.com/zH8zcV2Wu5
— JTV Digital (@JTVDigital) 9 Juin 2015
Mais cette infographie ne serait peut-être pas devenue un meme sans le coup de pouce de Robin Berjon, un professionnel du web, qui a lancé, à peine deux heures après le tweet de Manuel Valls, un « petit outil qui vous permettra de reprendre à votre compte ce minimalisme intellectuel qui permet cette pensée-choc », accompagné du hashtag #TweetCommeUnValls (repris tout de même 1300 fois en 24 heures, un score honorable pour le web français).
Toi aussi, «Tweete Comme Valls» http://t.co/8R7B9BH4eB pic.twitter.com/kVEs0ft8jV
— Robin Berjon (@robinberjon) 9 Juin 2015
C’est vraiment pratique. /v @robinberjon pic.twitter.com/K7Ea3NAKre
— Baptiste Fluzin (@bfluzin) 9 Juin 2015
— Bruno Bord (@brunobord) 9 Juin 2015
Une infographie pour mieux comprendre cette maladie mentale pic.twitter.com/CBlGrztJ1O
— François-Luc Doyez (@fluc) 9 Juin 2015
(nos journalistes aussi aiment l’humour)
Certains journalistes n’ont pas hésité à surfer sur l’actualité compliquée du Premier ministre, accusé d’avoir utilisé un avion de la République pour assister à la finale de la Ligue des Champions à Berlin samedi 6 juin.
Allez, je retente #TweeteCommeUnValls (le générateur est ici http://t.co/ZtaN2apM7M) pic.twitter.com/YmHCKw8Bgd
— Samuel Laurent (@samuellaurent) 9 Juin 2015
D’autres sont allés jusqu’à faire référence à une phrase lancée par Manuel Valls alors seulement député-maire d’Evry, le 5 juin 2009, quand il avait demandé que l’on rajoute « quelques blancs, quelques white, quelques blancos » dans une brocante de sa ville.
Ma contribution à #TweeteCommeUnValls : pic.twitter.com/gMyJKICLIH
— Andréa Fradin (@FradiFrad) 9 Juin 2015
Comme pour tous les bons meme viraux, une pluie de détournements s’est abattue sur Twitter le 9 juin avant de retomber comme un soufflet (on ne comptait le 10 juin plus que 98 occurrences du hashtag #TweeteCommeUnValls ).
L’infographie, star de la communication politique
Le service de communication du gouvernement y réfléchira peut-être à deux fois avant de tweeter à nouveau des infographies simplistes… Ou peut-être pas. Depuis quelques années, les hommes et femmes politiques ont de plus en plus recours à des illustrations rudimentaires pour faire passer leur message.
Particules fines : +20 000 arbres d’ici 2020 pour un #Paris plus respirable : pic.twitter.com/p0Q4dZwhaO
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 24 Novembre 2014
(À gauche, pas beaucoup d’arbres. À droite, beaucoup d’arbres.)
En décembre 2014, Slate.fr notait que « les fils d’info politiques sur les réseaux sociaux ressemblent de plus en plus à l’avenue des Champs-Elysées en période de Noël… » En somme, que la communication politique s’adaptait aux réseaux sociaux comme Twitter, sur lesquels une image est souvent plus partagée que des mots bruts. L’objectif: que l’information soit reprise et partagée un maximum, quitte à simplifier à l’extrême des concepts parfois assez complexes.
Le #Pacte de responsabilité et de solidarité, c’est un cercle vertueux! #20H via @vine #Valls https://t.co/kEPxX7nLfG
— Gouvernement (@gouvernementFR) 7 Décembre 2014
A l’époque, Romain Pigenel, le directeur adjoint chargé du numérique du Service d’information du gouvernement (SIG) avait expliqué à Slate.fr qu’il y avait « une explosion de la production graphique depuis l’avènement des réseaux sociaux« . Et de continuer:
« Depuis l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, on constate une baisse de la capacité d’attention du public: à mesure que les sollicitations augmentent, cela devient un effort de se concentrer. »
Les médias aiment aussi beaucoup les infographies
Les politiques ne sont pas les seuls à être accusés d’abuser des illustrations simplistes, voire de donner une définition très large au terme « infographie ».
ON ECRIT 44 EN GROS ET ON DIT INFOGRAPHIE. https://t.co/hIcUbIIeJO
— Alexandre Léchenet (@alphoenix) 28 Mai 2015
Des reproches qui nous poussent à aller chercher la définition d’infographie à la source : dans le dictionnaire de français Larousse. L’infographie (n.f.) y est décrite comme une « application de l’informatique à la représentation graphique et au traitement de l’image. » Techniquement, utiliser Paint pour superposer du texte à une image entrerait donc dans cette catégorie. Mais à l’heure où se développent des rubriques pointues de data-visualisation dans les médias (comme les Décodeurs du Monde.fr), il arrive que les représentations plus grossières se fassent gentiment (ou de manière franchement sarcastique) rappeler à l’ordre.
Au début du mois de mai 2015, le site Fast Co Design se demandait carrément ce qui avait « tué » les (grosses) infographies, critiquant sans retenue la multiplication « d’infographies publicitaires merdiques destinées uniquement à devenir virales » comme celle-ci.
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