Un magazine autrichien pour hommes, « Vangardist », a imprimé son dernier numéro avec de l’encre mêlée au sang de trois personnes testées positives au VIH. Objectif: « remettre ce sujet au centre des conversations » afin de « lutter contre le stigmate social ».
On a d’abord cru à un sale coup orchestré par un Gorafi autrichien. Mais non, Vangardist est un mensuel lifestyle-mode-gay tout ce qu’il y a de plus sérieux. Le magazine a profité de la tenue du Life Ball – plus grand événement européen de lutte contre le Sida – à Vienne le 16 mai prochain pour imprimer un hors-série à 3 000 exemplaires avec une encre mélangée au sang de trois personnes porteuses du VIH.
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NOW THE ISSUE IS IN YOUR HANDS – CEO & Co-Founder Julian Wiehl is one of our brave #HIVHEROES. Join our conversation! pic.twitter.com/O3nGjWoGSb
— VANGARDIST MAGAZINE (@vangardist) 4 Mai 2015
Dans un communiqué de presse, Vangardist explique vouloir « remettre le sujet [du Sida] au centre des conversations« , afin de « mettre un terme au stigmate social empêchant la lutte contre le virus à grande échelle« . Et ajoute :
« Nous espérons qu’à travers cette idée forte, et en mettant des gens influents en contact avec notre campagne, nous pourrons pousser des millions de gens à soutenir les personnes séropositives (…) »
L’équipe rédactionnelle, qui a conçu ce numéro avec l’agence de pub suisse Saatchi & Saatchi, assure qu’il est « 100% safe », et le vend dans une pochette plastique sur laquelle est inscrit « brisez le sceau, brisez le tabou ». Le directeur artistique de l’agence, Jason Romeyko, a précisé au Daily Mail que le sang avait été pasteurisé à l’université d’Innsbruck en Autriche :
« C’est une procédure standard qui permet de désactiver tout type de virus présent dans le sang et qui est non seulement acceptée en Europe mais validée par l’université de médecine d’Harvard, qui a confirmé qu’elle était à 100% sûre. Le sang a ensuite été testé à nouveau, afin de vérifier que la procédure avait marché à 100%. »
« C’est une idée qu’on aurait aimé avoir à l’époque d’Act Up« , estime Didier Lestrade, militant séropositif et ancien président de l’association de lutte contre le Sida, « ça aurait d’ailleurs dû être fait aujourd’hui en France« . Créé en 1989, la branche parisienne d’Act Up s’est spécialisée dans les happenings, baptisés « zaps ». Ainsi, en 1995, ses militants avaient dispersé une partie des cendres de leur président défunt, Cleews Vellays, sur les pieds des responsables de l’Agence du médicament.
Un mauvais buzz ?
Mais l’esprit est-il le même dès lors que l’initiative est menée par un média et une agence de pub ? Ne viserait-elle pas simplement à « faire le buzz »? « Aujourd’hui, l’exclusion de fait par le silence, explique Lestrade, les séropositifs n’en parlent plus, les gays non plus, les jeunes ne savent rien. »
Jean-Luc Romero, conseiller régional (PS) d’île-de-France et militant séropositif, très actif dans la lutte contre le sida, salue lui aussi l’initiative du magazine, qui est « à la hauteur de l’enjeu d’aujourd’hui » :
« On est face à un désintérêt vis-à-vis de cette maladie, qui est devenue invisible. On ne parle plus des 4 000 morts du Sida par jour dans le monde, ni de la discrimination dont les personnes séropositives sont victimes. »
Pour lui, la disparition des grandes campagnes de prévention contre le Sida a entraîné une « baisse des connaissances » des individus lambda sur la maladie, et « une hausse des préjugés » :
« Les gens ne voient plus de visages de personnes séropositives. Depuis l’existence d’un traitement, les pouvoirs publics se sont tout simplement désintéressés de la maladie, qui n’est plus une priorité de santé publique. »
Au mois de juin seront commercialisés en pharmacie les premiers autotests de dépistage du sida, permettant, en prélevant une goutte de sang au bout du doigt et en l’espace de quinze minutes, de se savoir ou non porteur du virus. S’il déplore le manque d’accompagnement de cette méthode de dépistage en solitaire, Jean-Luc Roméro espère tout de même qu’elle permettra de dépister davantage de personnes et donc, de les soigner.
Didier Lestrade y voit, lui, un moyen de « responsabiliser » la population, et ajoute: « A partir du moment où un dispositif est homologué aux Etats-Unis, c’est de notre responsabilité de faire en sorte qu’il soit disponible en France. »
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