D’après une étude menée par Facebook sur le comportement de ses membres, l’expression « lol » ne serait quasiment plus utilisée, remplacée dans le coeur des internautes par le classique « haha » et la montée en puissance des émoticones.
Florian Philippot n’a pas dû recevoir le mémo. Le « LOL » serait une espèce en voie de disparition. Pourtant, le numéro 2 du Front National (FN) a tenu à utiliser cet acronyme, qui signifie Laughing Out Loud (rire à voix haute ndlr) en anglais, mardi 11 août sur iTélé. Interrogé sur les propos de Jean-Marie Le Pen, co-fondateur du FN, qui l’accuse de « rouler pour Nicolas Sarkozy« , il a fièrement conclu : « Je répondrai en langage texto: ‘LOL’ ».
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Au-delà de l’hérésie que représente la prononciation d’un acronyme voué à n’exister qu’à l’écrit, Florian Philippot serait l’une des rares personnes à encore utiliser l’expression « LOL » tout court. Le 7 août dernier, Facebook a publié une étude menée sur les posts de ses utilisateurs anglophones durant la dernière semaine de mai. Le résultat est sans appel: les internautes n’expriment presque plus leur rire avec « LOL ».
Le graphique publié par le réseau social montre que l’acronyme n’est utilisé que par 1,9% des personnes dont les commentaires ont été analysés. Loin devant se situe le « haha » (51,4%) et ses dérivés (« hahaha », etc), puis l’émoticone (33,7%), suivi du « hehe » (13,1%).
Bien que l’on ne dispose pas de statistiques similaires pour les années précédentes, on sait que l’avénement des émojis (le nom japonais pour émoticones ndlr) est récent. Ces petits dessins qui servent à exprimer des émotions ne sont inclus dans les systèmes d’exploitation iOS et Androïd que depuis 2011, et elles ne sont réellement devenus populaires qu’à partir de 2014, comme on peut l’observer sur ce graphique Google Trends.
L’étude du réseau social se focalise toutefois uniquement sur les messages postés sur les pages publiques ou les profils de ses utilisateurs, et non sur leurs conversations « inbox » privées. Il est ainsi préférable de nuancer le contenu des résultats chiffrés, considérant le fait que certains internautes s’expriment différemment dans des conversations privées.
Les émojis sont souvent utilisés seuls
Si les « haha » mesurés par Facebook peuvent varier en longueur en fonction du degré d’hilarité que l’utilisateur veut transmettre, les émojis sont, quant à eux, rarement utilisés en bande. « Peut-être qu’ils offrent une manière plus concise de faire partager différents types de rire?« , se demandent les trois scientifiques qui travaillent pour Facebook.
L’an passé, nous avions interrogé le sociologue André Gunthert, chercheur en histoire culturelle et études visuelles à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Pour lui, les emojis ne risquent pas de remplacer l’usage des mots, mais sont très utiles « dans des conversations très rapides, comme une série d’échanges en chat ou SMS, où chaque message n’est composé que de quelques mots parfois écrits en langage simplifié. » Et d’insister sur le fait que les emojis disposent d’une polysémie qui encourage leur utilisation :
« Au fond, c’est comme si le langage (les mots, les phrases), c’était le degré zéro de la communication. Une émoticone est une forme qui permet de le distinguer. Les émojis ont trois caractéristiques. Une caractéristique esthétique, car un message avec des images est plus joli, c’est décoratif. Une caractéristique ludique, car cela apporte un degré de plaisanterie. Et un caractère sémiotique, qui repose sur l’ambiguïté de l’émoji : une image peut signifier plusieurs choses, et peut être interprétée de façon plus large qu’un message linguistique. »
Même constat de la part de Mark Davis, président et co-fondateur de l’Unicode Consortium, contacté par Slate.fr le 31 juillet dernier:
« [Les émojis] n’ont pas la grammaire ou le vocabulaire pour se substituer au langage écrit. Mais sur les réseaux sociaux, ils pallient au manque de gestes, d’expressions du visage et de ton que l’on trouve à l’oral. »
Est-ce qu’il y a pour autant un rapport entre l’âge de l’utilisateur et son expression consacrée au rire préféré? D’après l’étude de Facebook, l’âge médian des utilisateurs qui préfèrent les émojis et le « haha » est assez proche (respectivement 23 et 24 ans), tandis que celui des amateurs du « lol » frôle tout de même les 28 ans. « Le phénomène de l’utilisation des émoticônes s’étend par contamination de proche en proche : on va du plus jeune vers le plus âgé« , expliquait André Gunthert. Il ne serait donc pas étonnant que l’âge médian de l’utilisateur d’émoticone augmente avec le temps.
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