Buffet halal, salle de prière, lieux séparés hommes – femmes: en Turquie, les hôtels certifiés halal connaissent un véritable succès. Voyager tout en respectant ses croyances religieuses est devenu une véritable niche que certaines agences françaises n’hésitent pas à investir.
Izra, parée d’un maillot deux pièces bleu pétrole, paresse sur un transat au bord de la piscine du Bera hôtel. Le soleil est à son zénith à Alanya, ville balnéaire du sud-est de la Turquie. Lorsque de la musique orientale s’échappe des enceintes, la berlinoise de 24 ans se lève pour danser. Les mouvements de son bassin accordés aux notes font sautiller ses boucles brunes. Izra, en vacances, est venue avec son mari. Lui aussi profite de la piscine mais six étages plus bas, dans l’espace réservé aux hommes. L’établissement cinq étoiles est certifié halal. Le mot en référence à ce qui est « licite » dans la religion musulmane, ne désigne pas seulement la nourriture mais concerne entres autres les cosmétiques, le dentifrice ou la mode.
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Apparu il y a plus de 15 ans en Turquie, les hôtels halal sont devenus, ces quatre derrières années, très populaires dans le pays. Aujourd’hui, près de cinquante établissements ont poussé dans des villes comme Alanya, Antalya, Izmir, Marmaris ou Yalova à l’est. De prime abord, ils sont comparables à n’importe quel complexe hôtelier. En y regardant de plus près, tout est fait pour que les vacanciers puissent profiter en accord avec leurs principes religieux. Dans ces Resorts avec buffet halal à volonté, on ne trouve pas d’alcool mais une salle de recueillement. Les chambres disposent d’un Coran, d’un tapis de prière et une petite flèche dessinée au plafond indique la direction de la Mecque. Dans les lieux comme la piscine, le spa ou la salle de sport les hommes et les femmes sont séparés. Côté féminin, le téléphone y est interdit. Sur certains bouts de plages privées où la mixité est autorisée, le burkini – maillot de bain pour femmes couvrant tout le corps – est obligatoire. Comme l’explique Rébecca Widrig responsable marketing chez HalalBooking, site spécialisé dans les voyages halal, ces dispositions répondent à une demande importante : « Pendant longtemps, les musulmans ont du trouver un compromis entre religion et plaisir. Aujourd’hui, ils veulent profiter de leurs vacances sans compromettre leurs croyances ».
« On ne se sent pas jugé »
Pour Samir Boujenane, sa femme Samira et leurs trois enfants, voyager halal est une première. Des amis les ont convaincus d’essayer lors de ces vacances de la Toussaint. Confortablement installée dans le salon éclairé du Selge Beach, un hôtel cinq étoiles d’Antalya, la famille originaire de Tremblay-en-France joue aux cartes. Pour un séjour tout compris de quatre jours à Istanbul et six sur la côte méditerranéenne turque, ils ont déboursé 4 300 euros. « C’est un budget conséquent, admet Samir. C’est plus cher qu’une formule tout compris dans une agence traditionnelle, mais ça vaut la peine. On ne se pose pas de questions concernant la nourriture que l’on sait halal et j’aime le fait que ça reste multi culturel. On rencontre des Russes, des Allemands, des Anglais, des Egyptiens », énumère ce technicien de maintenance de 42 ans. Sa femme, gracieuse dans son pantalon léger blanc et son haut à fleurs bleues, est elle aussi séduite. « Dans les pays où le burkini est interdit, je ne pouvais pas me baigner, c’était frustrant. Dans cet hôtel, je me sens libre, je peux me dévoiler à la piscine et profiter. C’est idéal », assure d’une voix douce cette prof de langue arabe avant de poursuivre : au quotidien, les regards à cause de mon voile sont pesants mais je fais avec. En vacances, j’ai envie d’être tranquille. Il y a 5 ans, mon mari et moi sommes partis en Egypte avec l’agence Marmara. Sur place, des français ont lancé dans ma direction : « Même jusque là, ils nous ont suivi ». Dans cet hôtel, tu as le choix de le porter ou non mais tu n’es pas jugée ». « Je trouve triste que nous devions nous exclure pour passer de bonnes vacances », coupe Samir d’un ton désolé. Cette première expérience a séduit la famille Boujenane qui ne trouve rien à redire et n’envisage plus de voyager autrement.
En France, gîtes et maisons d’hôtes halal
Le concept trouve son public, le marché du tourisme halal est en pleine expansion. Selon un rapport intitulé « Etat global du marché islamique », publié en 2015 par Thomson Reuters and DinarStandards, cette branche représentait 11% des dépenses mondiales du tourisme. En 2020, il devrait monter jusqu’à 13%. Sur la toile, une myriade d’agences de voyages spécialisées a vu le jour. En terme de destination, la Turquie est la plus convoitée pour ses Beach Resorts entièrement équipés mais d’autres pays comme la Malaisie, le Bahreïn ou l’émirat d’Abu Dabi sont également prisés. Les clients les plus friands de ces services « muslmim friendly » viennent notamment des pays du Golfe et d’Indonésie. Les européens d’obédience musulmane ne sont pas en reste. « Avant, ils avaient l’habitude d’aller dans leurs pays d’origine pour passer leurs vacances et voir leur famille. Les deuxièmes et troisièmes générations gagnent un bon salaire et font partie des classes moyennes ou aisées. Ils veulent voyager et rêvent d’autre chose », explique Rebecca Widrig d’HalalBooking. Sur leur site traduit en six langues, les Anglais, les Allemands et les Français arrivent en peloton de tête des réservations européennes.
Mehdi Rebhi et Anas Petrini ont flairé le filon. Il y a un an et demi, ces entrepreneurs qui se présentent comme « deux amis trentenaires de confession musulmane nés en France », ont monté le site spécialisé TravelMuz. « Il est trop tôt pour faire un bilan mais le nombre de réservations va bien au delà de nos espérances », avancent d’une même voix Anas et Mehdi qui traitent principalement avec des clients Français. « Les villas privées avec piscines en Asie sont les plus demandées. L’hexagone connaît également un bon succès pour sa proximité et la beauté de ses paysages », précise Mehdi Rebhi. En Normandie ou en Rhône-Alpes, certains gîtes et maisons d’hôtes ce sont d’ailleurs lancés dans des formules « muslim friendly ».
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