Déballer ses achats devant des milliers d’internautes après une razzia au centre commercial, c’est la nouvelle tendance. Les blogueurs geeks avaient l’ »unboxing » ou « unpacking », les jeunes demoiselles ont désormais le « hauling » pour s’exprimer. Plus de 250 000 vidéos sont disponibles sur YouTube.
Blair Fowler, 17 ans, n’est ni actrice, ni chanteuse. Pourtant, 175 000 personnes la suivent sur Twitter et elle compte plus de 600 000 abonnés sur Youtube. Ses 220 vidéos ont été vues plus de 114 millions de fois. Blair est la reine du hauling, le shopping 2.0.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis deux ans et demi, l’adolescente, incarnation de la parfaite lycéenne américaine, déballe sur le net ses dernières trouvailles et confie ses conseils beauté. Certaines de ses vidéos, où elle vide littéralement son sac ou se boucle les cheveux à la Miley Cyrus ont été regardées plus de 1 400 000 fois.
Installée devant son lit dans sa chambre rose, elle arrive à parler pendant 13 minutes de brosse à dents, coton-tige, vernis à ongle et autres accessoires. Une discussion basique de filles, sauf qu’elle a lieu devant des milliers d’internautes. Blair dépense 300 à 400 dollars par mois et passe environ deux heures à monter ses vidéos, plusieurs fois par semaine.
Un loisir qui devient un business
Le phénomène, né il y a un an et demi aux Etats-Unis et au Canada, touche surtout les jeunes filles et concerne les achats de mode et de cosmétiques. Blair et sa sœur ont transformé leur passe-temps en entreprise. Scolarisées à domicile pour consacrer plus de temps au hauling, elles font la couverture des magazines, ont monté un site de vente d’accessoires personnalisés et se lancent même dans la téléréalité.
Le hauling peut parfois être un vrai business. Les marques, Forever21 et Shoes of Pray en tête, qui y voient une publicité à moindre coût et parfaitement efficace puisque sincère et spontanée, n’hésitent plus à envoyer leurs produits gratuitement aux blogueuses les plus influentes. Un sponsoring que les règles de la Federal Trade Commission américaine imposent de mentionner sur les vidéos.
En cas de succès, l’affaire peut se révéler très juteuse pour les « haul stars ». YouTube propose aux blogueuses les plus populaires d’intégrer son programme de partage de revenus. Selon Shishir Mehrota, directeur du management de produit chez YouTube interrogé dans l’émission Good Morning America,
« Nous avons des centaines de partenaires qui font plus de 1 000 dollars par mois, et plusieurs qui font six chiffres ».
Activité inoffensive ou risque d’addiction ?
Le succès est tel qu’il intéresse aussi les chercheurs. Pour Henry Mason, responsable recherche et analyse au cabinet de conseil TrendWatching.com, les haul vidéos sont l’illustration d’une tendance plus générale, qu’il appelle Social-lite. Il ne s’agit pas vraiment d’être célèbre, mais davantage une envie de la jeunesse de satisfaire les « désirs fondamentaux humains tels que le besoin de reconnaissance, le désir de partager et de recommander des bons produits ou des expériences passionnantes, tout en étant utile. »
L’internaute lambda devient une référence en matière de beauté, en lieu et place de professionnels. Ce sont désormais les filles de la rue qui font la mode, et non plus les magazines. Certains, comme la psychologue April Lane Benson, y voient une dérive, traitant le hauling comme une dépendance compulsive au shopping.
Kit Yarrow, psychologue de la consommation, professeure à l’université de San Francisco, et co-auteure de « GenBuy » considère, elle, que « c’est un moyen de s’exprimer et d’affirmer leur identité. Ce qui était autrefois partagé avec ses plus proches amis dépasse aujourd’hui toutes les frontières avec la technologie. Mais attention, certains ados confondent amour et célébrité. » Un million de téléspectateurs, ce n’est ni pareil, ni aussi enrichissant qu’un vrai ami.
En France, les adolescentes sont aussi des férues de shopping et de réseaux sociaux, la combinaison gagnante pour le hauling. Toutefois, si le phénomène se développe en France, il reste de moindre importance.
Comme le souligne Samantha Gaudfrin, Chef de projet Digital et Editorial chez Ogilvy Public Relation, « la référence « hauling » en France est Capucine Piot avec son blog « Babillage » : elle a 1 740 abonnés, et sa dernière vidéo sur un masque réhydratant a été vue 330 fois, c’est peu comparé aux vidéos de Blair Fowler qui sont parfois visionnées plus de 570 000 fois. Il semble donc qu’en France cette pratique soit encore limitée. Question de culture peut-être. »
Céline Pastezeur
{"type":"Banniere-Basse"}