Une poignée de militants nationalistes, attachés au « prestige » du Groupe union défense des années 70 à 90, a décidé de reprendre le flambeau d’une organisation d’extrême-droite moribonde.
Ah, qu’il était doux le temps des barres de fer et des casques de moto. Quand le Quartier Latin se transformait en champ de bataille entre bolchos et fachos, faisant le bonheur des flics traités de collabos de part et d’autre. L’époque du GUD, né à Assas pour ériger le dernier rempart contre les gauchistes de la France post-gaulliste.
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Mémorandum à l’usage de la jeunesse : le GUD (Groupe union droit puis Groupe union défense), syndicat étudiant d’extrême-droite, a été créé par Alain Robert et Gérard Longuet (ensuite devenu ministre) dans la foulée de la dissolution d’Occident à l’automne 1968. Tractage et élections étudiantes mis à part, le GUD reste surtout dans les mémoires pour son goût de la baston. « Les rats noirs », plusieurs centaines dans les périodes fastes, moins de trente dans les mauvaises, gravitaient autour d’Assas. Sans forcément y être inscrit, ils considéraient la fac de droit comme une place forte à conserver.
C’est donc sans surprise à Assas que ressuscite le GUD en février dernier. Miné par la scission entre Front national et Mouvement national républicain en 1998, le syndicat étudiant avait coulé depuis une dizaine d’années. Edouard Klein, étudiant en économie à Assas et fils de gudard, voulait « reprendre ce nom » porteur « d’une symbolique et une esthétique« .
« Patriote, sociale, révolutionnaire et anti-système »
Il a le sourire arrogant et le blouson de cuir assorti. Ancien responsable du Rassemblement des étudiants de droite disparu en 2009, passé par le GRECE, Edouard Klein a rassemblé des jeunes d’horizons divers : étudiants et jeunes travailleurs, athées et catholiques, encartés et indépendants. Conformément à la tradition du GUD, sans grande cohérence idéologique dès qu’on dépasse le fond commun nationaliste.
Hugo, étudiant en école de commerce plutôt issu de la gauche, a rencontré ses camarades quand il a « commencé à fréquenter la mouvance nationaliste, le Local [le bar de Serge Ayoub] les fêtes où ils allaient. J’ai appris à les connaître, leur projet et leur personnalité m’a plu. » Il place le GUD sur une ligne:
« Patriote, sociale, révolutionnaire et anti-système« , contre les « élites endogames et consanguines, qui veulent s’émanciper de la contrainte de leur propre peuple.«
Pour l’instant, l’activisme dont se prévalent les gudards reste plutôt léger. Mi-février, ils annonçaient leur retour en collant des affiches « Gud is back » à l’iconographie nostalgique:
« Au début on a cru à une plaisanterie, raconte un syndicaliste étudiant. Mais leur présence traduit une exaspération sur la politique actuelle et une certaine radicalisation. »
Réaction immédiate de l’UEJF : un « appel aux étudiants d’Assas contre le fascisme étudiant » avait recueilli la signature de l’Unef et de l’Uni.
« Qu’on parle de nous en bien ou en mal, l’important est qu’on parle de nous« , estime Edouard Klein.
Encore trop jeune et faute d’association constituée, le GUD n’a pas pu présenter de liste aux élections universitaires de mars et avril. En attendant, il a renoué avec la vieille tradition de la bagarre.
Baston au Panthéon
Le 8 avril vers 17 heures, dans des circonstances que la justice devra éclaircir, des échauffourées entre gudards et militants de gauche éclatent devant la fac Panthéon-Sorbonne. Un des prévenus anti-gudards récolte 21 jours d’ITT. Quatre militants du GUD et deux d’en face ont comparu le 16 juin pour violences en réunion.
Parmi eux Kevin, 20 ans tout juste, déjà mis en cause dans une agression raciste. Ancien membre du service d’ordre du Parti solidaire français, groupuscule néonazi aujourd’hui en sommeil, il pratique le free fight y compris, si besoin, pour « militer ». « Il fait partie du noyau dur du GUD, c’est l’un de nos amis proches » explique Édouard Klein. Pas trop difficile à assumer? « Pourquoi?« , demandent en chœur Édouard et Hugo. Ce dernier qualifie Kevin de « très bon militant » qui « sait très bien se battre« :
« Il a le droit d’avoir ses idées, d’ailleurs il en change progressivement. C’est un parcours : on peut être complètement nazebroque à 17 ans et devenir un militant nationaliste plus réfléchi. »
Le procès est finalement renvoyé à mars 2011. En attendant, le contrôle judiciaire de tous les prévenus ayant été allégé, ils peuvent à nouveau se rencontrer et se rendre dans le Ve arrondissement.
« On n’est pas des skins ou des marginaux »
« Rejoins dès maintenant le monde fascinant d’un militantisme percutant », propose le forum du GUD, inauguré début avril (qui précise aussi « le record du nombre d’utilisateurs en ligne est de 11, le 18 avril 2010 »). Officiellement, le GUD s’est reconstitué tout seul, les militants y tiennent.
« J’imagine que les anciens doivent être plutôt contents qu’on ait repris le truc, on a eu des échos dans ce sens mais c’est tout. Ils nous regardent de loin« , raconte Hugo.
On remarque toutefois que l’un des dirigeants du GUD version seventies, Jean-François Santacroce, fait partie des avocats qui les défendent pour les faits de violences.
La première sortie publique du GUD a eu lieu le 9 mai, lors de la manifestation en souvenir de Sébastien Deyzieu, militant nationaliste mort en 1994 lors d’une course-poursuite avec la police pendant une manif. Comme au bon vieux temps, le GUD avait mis en avant ses blondes militantes. Edouard Klein fait le cake :
« On a toujours eu de jolies nanas chez nous. C’est le côté peut-être « gentleman facho », comme on a pu être dénommés, ça plaît aux minettes du XVIe. »
Derrière sa bannière, le GUD revendique 50 manifestants le 9 mai. En passe de se faire connaître chez les nationalistes, les gudards, comme Hadrien, veulent « dédramatiser le milieu »:
« On se montre, on vit comme tous les jeunes, on est habillés à peu près normalement, on est pas des skins ou des marginaux. On peut réussir dans la vie, faire du sport, avoir des nanas comme tous les autres jeunes et en plus de ça on aime notre pays. »
A terme, le GUD espère obtenir des représentants aux élections étudiantes et faire le poids pour négocier avec d’autres organisations. « Il faut cent voix pour avoir un élu, on a déjà la base électorale« , pense Edouard Klein.
« Face à un GUD qui serait un vrai mouvement de jeunesse étudiante, le FN serait obligé de négocier« , estime Hugo.
Les identitaires, plus à la mode que le FN, ne sont pas trop leur came. « Ils marchent par buzz, nous on est dans le concret« , tranche Edouard Klein:
« On n’a pas la même démarche militante et ils se focalisent sur l’islam, alors que pour nous la présence en France des musulmans n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de politiques dictées par le patronat« .
« Leurs enfants nous emmerdent,mais on ne peut pas traiter les effets sans traiter la cause« , renchérit Hugo.
A gauche, tous les « ennemis » ne se valent pas. Pour Hugo:
« Notre cible prioritaire c’est les mecs du NPA, cette extrême-gauche qui a renié tous les fondamentaux marxistes, et qui se sont lancés dans une espèce de diversitude anti-raciste, anti-sexiste et anti-homophobe« .
Edouard Klein désigne aussi « les petits-bourgeois fils à papa de l’Uni et de l’Unef« . Quand il avait 15 ans, Edouard Klein militait aux antipodes, à la CNT:
« Les antifascistes ils m’aiment bien. Moi aussi je les aime bien. Ils n’existent que parce qu’on existe. »
Le GUD existe, c’est un fait, mais difficile de savoir quel ampleur il prendra. Pour le politologue Jean-Yves Camus:
« C‘est une renaissance extrêmement timide, rien à voir avec ce qui se passait dans les années 1980. Reprendre le sigle, c’est un moyen de faire peur aux organisations antifascistes, dans un match permanent avec l’extrême-gauche pour se trouver un ennemi personnel. »
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