Jane Birkin, Pete Doherty, Féfé… Pour « faire barrage au FN », avant le second tour des présidentielles, une trentaine d’associations ont invité des artistes à chanter au concert « La République Réplique », jeudi à Paris. Avec quelque 2 000 personnes, l’événement a eu du mal à rassembler. Peu de messages politiques, et les artistes eux-mêmes n’ont pas clairement appelé à voter contre Marine Le Pen.
Pete Doherty, qui vient chanter contre le FN, déjà, ça semblait louche. Jane Birkin, qui fait une brève apparition lunaire a cappella, puis s’éclipse de la scène sans un mot, ça aussi, c’était encore plus étrange. Car ni elle, ni lui, ni la majorité de la vingtaine d’artistes présents à ce concert « La République Réplique« n’ont appelé clairement à voter contre Marine Le Pen dimanche, pour le second tour des présidentielles. Pourtant, c’était bien le message affiché par les organisateurs, l’UEJF, SOS Racisme et la FAGE : le 7 mai, il faut « voter contre Marine Le Pen ».
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Féfé, Mokobé, Passi, Gush… Les artistes sont restés un peu sans voix, lançant des messages politiques un peu subliminaux, sans vraiment se mouiller en appelant à voter Emmanuel Macron. « Dans mon groupe, j’ai des musiciens qui ne sont pas Français, d’autres qui ne comprennent même pas l’anglais, donc on défie bien le FN ! », lance ainsi Féfé dans le micro, en montant sur scène. Puis Jane Birkin prend la relève et chante un « J’avoue j’en ai bavé pas vous, mon amour… J’avais envie de voir en vous, cet amour ». Mais rien d’autre, pas d’appel au vote.
« Nous autres, les bougnoules, les mal baisés »
A sa manière, le très attendu Pete Doherty commence par un « Come on, choose your weapon ! » (« Allez, choisi ton arme ! »). Le British quitte la scène deux chansons plus tard, sans expliquer la raison de sa venue. « On a appelé tous les artistes qu’on connaît, sans forcément qu’ils soient engagés politiquement. Ceux qui ont dit oui, je suppose qu’ils sont d’accord pour faire barrage au FN. Pete Doherty, par exemple, a toujours affiché son désaccord sur le Brexit, donc il n’est pas un partisan du populisme, c’est sûr! », précise Aline le Bail-Kremer, de SOS Racisme.
D’autres personnalités étaient elles aussi invitées à prendre la parole, comme la journaliste Audrey Pulvar, récemment mise à pied de CNEWS, qui se lance dans une petite tirade : « Nous autres les bougnoules, les gonzesses, les mal baisés, les chômeurs feignants, les PD, les profiteurs du système.. Vous savez que c’est comme ça qu’ils nous considèrent au FN ! Mais nous sommes la France ! » crie-t-elle dans le micro, sans se prononcer sur le scrutin de dimanche.
« On a décidé de faire ce concert dès le lendemain du premier tour, pour dire qu’il y a un danger avec le Front national, explique la bénévole de SOS Racisme. Le FN n’est pas un parti comme les autres. La musique fédère de l’unité, c’est cette France rock ou rap qu’on veut voir dès le 8 mai ! », ajoute-t-elle.
Convaincre les Insoumis de voter Macron
Derrière ces messages, les militants de la France Insoumise étaient clairement visés. « Ce jour-là, il ne s’agira pas de s’abstenir ou de voter blanc mais de faire en sorte que Marine Le Pen réalise le score le plus faible possible », indiquait la page de l’événement. « Si on peut convaincre quelques Insoumis de ne pas s’abstenir ou de ne pas voter blanc, c’est bien. Il faut leur dire que Macron n’est pas égal à Le Pen, même si on le déteste. On peut avoir un ennemi en politique mais on ne peut pas laisser passer un ennemi de la République », avoue Aline le Bail-Kremer.
Une bière à la main, un petit groupe d’Insoumis sont en plein débat sur cette question. « Il faut voter Macron, mec ! » « Ouais, mais être pour un banquier, c’est contre mes principes ! ». Pierre votera donc blanc dimanche. « C’est pas un boycotte des élections, faut dire qu’on n’est pas d’accord d’être représentés par ces deux marionnettes ! Ce n’est pas cet événement qui me fera changer d’avis !
« Le Pen, c’est comme la mousse du champagne : elle n’a pas les pieds sur Terre »
Des Insoumis qui, comme lui, voteront blanc ou s’abstiendront, il y en a peu : la plupart des spectateurs sont des électeurs déjà convaincus. Ils iront voter Macron, même si tous n’apprécient pas ses mesures. « J’avoue, Macron a été meilleur que Le Pen au débat télévisé d’hier soir. C’est pour ça que j’irai voter pour lui, mais ce n’est pas grâce à cette soirée, ça manque de convictions », indique Hugo, un étudiant de 19 ans. « Il est la seule alternative contre le FN », explique à regret Bastien, un étudiant en art, qui avait voté Mélenchon au premier tour, comme son amie Marie. « On est des militants de Mélenchon, mais c’était très important de venir ce soir pour dire à tous, et surtout aux Insoumis, qu’ils doivent voter Macron dimanche ! » explique-t-elle, en tenant une affiche « Touche pas à mon pote ».
Sous les airs des guitares, Ousmane arrive un peu à plaider pour cette cause. Avec ses dreads et sa main de SOS Racisme, ce Sénégalais de 33 ans discute avec les uns et les autres « pour convaincre les indécis de voter Macron à sa place ». Lui, qui est arrivé en France il y a trois ans, n’a toujours pas le droit de vote. « Je n’ai jamais étudié, mais j’ai des yeux. Il ne faut pas avoir un bac +5 pour comprendre que le FN est un malheur. Le Pen, c’est comme la mousse dans un verre de champagne : elle n’a pas les pieds sur Terre ! », indique le technicien de grandes surfaces, qui se félicite même d’avoir déjà convaincu 7 personnes de voter pour le candidat d’En Marche! : « ça fait 7 bulletins de plus, même mon père qui détestait Macron votera pour lui ! » rigole-t-il en dansant.
L’art de combler le vide
Si la bonne humeur est de mise, le « barrage contre Le Pen » a du mal à prendre. Avec la pluie, les parapluies et surtout les très longues attentes entre le passage des artistes, beaucoup sont vite refroidis : « Bon, on part ailleurs ? » suggère dès 20 h 30 un jeune garçon à son groupe. Normal, chaque artiste fait une ou deux chansons, puis pendant une quinzaine de minutes l’équipe technique prépare le matos pour le groupe suivant. L’attente est tellement longue que même les bénévoles des associations tentent de combler le vide comme ils peuvent en prenant le micro, sans grand succès.
Même quand les écrans géants à côté de la scène projettent les résultats du premier tour de 2002, le face-à-face Jacques Chirac – Jean-Marie Le Pen fait à peine réagir. On entend quelques « bouh » dans le public, mais pas bien plus. Un micro-barrage contre le FN, qui ne sera peut être pas suffisant pour le second tour de l’élection présidentielle.
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