Michel Denisot s’arrête, mais « le Grand Journal » continue avec Antoine de Caunes. Le chroniqueur et humoriste Sebastien Thoen fait le bilan de l’émission phare de Canal +.
Après neuf ans de bons et loyaux services à la tête du Grand Journal, Michel Denisot a raccroché. Antoine de Caunes devrait le remplacer poste pour poste dès la rentrée prochaine. Alors que les audiences du programme sont en baisse de 15 % depuis 2012 (même si c’est la troisième meilleure saison de l’histoire – ndlr) et que sa prolongation suscite bien des interrogations, l’humoriste et chroniqueur Sebastien Thoen (du collectif Action discrète) nous apporte quelques éléments (décalés) de réponse.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Michel Denisot s’arrête. De ton coté, penses-tu continuer l’année prochaine ?
Sébastien Thoen – Oui, parce que j’espère mieux faire et surtout parce que je suis un soldat de Canal. Parce que j’ai été en prison pour cette chaîne et parce que je ferai n’importe quoi pour Canal, j’irais même sur D8 s’il le faut.
Un commentaire sur l’arrivée d’Antoine de Caunes ?
Je suis content parce que je pense que c’est un type drôle et imaginatif. Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vu sur le devant de la scène et on avait envie de le revoir. C’est un bon camarade et c’est le genre de gars capable de se mettre une prune dans les fesses et ensuite d’interviewer cinq minutes plus tard un écrivain.
Dans son livre On/Off, Olivier Pourriol raconte l’angoisse que peut représenter l’accueil critique sur Twitter après une chronique. C’est quelque chose que tu as déjà ressenti ?
La terre explose dans cinq ans alors franchement, Twitter, Myspace, le Bi-bop, faut relativiser ! De plus, je respecte Twitter qui est un média très classe ou les gens heureux, pertinents et nuancés soucieux de faire avancer positivement la société, s’expriment. S’il avait fait du bon boulot, Olivier Pourriol n’aurait eu que des bonnes critiques ! Pourriol est un clown d’entreprise, encore plus lourd que Rémi Gaillard. Il n’a que ce qu’il mérite.
Un reproche qui est couramment fait à l’émission, c’est son extrême séquençage. Est-ce difficile d’être drôle dans un temps aussi réduit que celui d’une chronique (1min-1min30) ?
Mais non ! Parce que la vie c’est du séquençage. Quand t’es à la pompe, tu prends de l’essence, tu ne restes pas trois heures ! T’arrives, tu te sers, tu payes et tu te casses. Un invité, c’est pareil : il s’assoit, tu le pompes et il se casse. Ça va pas durer trois heures.
Perso, j’avais au moins 2 minutes et j’étais libre ! C’est difficile d’être drôle quand c’est pas en caméra cachée mais je crois avoir provoqué des bons sourires quelques fois (et « mieux vaut un bon sourire qu’un mauvais rire »). Bien sûr, c’était pas comme Action discrète. Les deux sont incomparables… c’est pas le lieu, le cadre, l’horaire et j’avais pas mes camarades avec moi ! D’ailleurs, si je devais faire une apagogie, je dirais qu’Action discrète c’est Led Zeppelin et Le Grand Journal c’est Dire Straits. Mais c’est sympa Dire Straits, non ?
L’émission renvoie souvent l’image de la télé-fric ou d’une télé bobo. Ce n’est pas forcément le reflet de la réalité mais comment expliques-tu cette mauvaise perception ?
Mon père était gendarme et ma mère est vendeuse et je vote encore Giscard! Donc bobo, sûrement pas, à l’inverse de toi et de toi ! Oui, toi qui nous lis là. Moi, Je suis « un nouveau riche, futur pauvre », j’ai pas de CDI, je ne suis pas connu par le grand public, je ne dois compter que sur la réussite de mes projets. Y a pas à se plaindre, ça reste très chouette comparé à tous les boulots misérables que j’ai pu avoir mais c’est pas toujours simple.
L’expliquer ? Tous ceux qui passent pour des privilégiés et se pavanent devant des caméras, particulièrement en période de crise, attirent les foudres des aigris et des militants FN, ça a toujours été comme ça. Après, c’est certain qu’on se la raconte à Canal Plus et qu’on gagne bien nos vies, ça peut irriter mais tout cela est mérité. Le problème réel c’est que les Français détestent les « winners », regarde Tapie… Mais c’est vrai, on aurait dû présenter cette émission en marcel et en sandales devant un barbecue, ça aurait fait « popu et honnête ».
Pourquoi l’émission s’est-elle essoufflée en termes d’audience, selon toi ?
Les gens qui ont zappé sont les mêmes gens qui ont trouvé le film Intouchables génialissime ou qui en veulent à Hollande parce que ça fait un an qu’il est Président mais qu’il leur a toujours pas trouvé de boulot, de femme et d’ami. Alors ceux-là, ce n’est pas très grave de les avoir perdus. On est Canal, on est la crème de la crème, on est en droit d’exiger des téléspectateurs de qualité, différents de la masse, pas des suiveurs ou des moutons.
Toute émission télévisée, à part Thalassa et Motus, a une durée de vie limitée. Parce que la concurrence (Cyril Hanouna, YouTube, Facebook, la Game Boy, l’apéro, le nourrisson qu’il faut allaiter, etc.) est féroce. Mais également parce que, comme dans la vie, on a eu des bons moments et des nettement moins bons. On n’est pas dupe ! Cependant, je ne parlerai pas des magnétos mais, objectivement, dire que le plateau était « horrible » cette saison mais « formidable » il y a trois ans relève de la psychiatrie. Après, soyons réalistes, il faut qu’on se réveille ! Pour vous, pour Télé Poche, pour les gens qui nous aiment bien et pour les annonceurs surtout.
Recueilli par David Doucet
Retrouvez notre dossier consacré au Grand Journal dans les Inrocks en ligne ici et en kiosque à partir du 19 juin.
{"type":"Banniere-Basse"}