Le géant de la VOD américaine a commandé sa première série originale à David Fincher, au nez et à la barbe de la chaîne des « Soprano ». Les séries se passeront-elles bientôt de la télé ?
Jusqu’à la semaine dernière, tout semblait plutôt simple dans le monde merveilleux et profitable des séries américaines. Qu’ils soient superstars ou débutants, les scénaristes et producteurs désireux de faire exister l’un de leurs projets s’adressaient en toute logique à une chaîne de télévision.
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Ce schéma, immuable depuis les années 50, avait certes évolué : quand seules quatre ou cinq entités étaient susceptibles d’acheter un projet il y a deux décennies (c’est encore la situation française), on en dénombrait une vingtaine en ce début 2011, principalement grâce à l’explosion des chaînes câblées.
Comme l’avait prouvé la réussite insolente de la nouvelle venue AMC (Breaking Bad, Mad Men, The Walking Dead), la brèche ouverte au milieu des années 90 par HBO semblait infinie. Jusqu’à il y a quelques jours, en tout cas. Car ce que l’on pensait être une évolution sans limite marquait peut-être la fin d’un âge d’or.
Un risque énorme qu’aucune chaîne n’était prête à prendre
Géant de la VOD, du streaming et de la location de DVD par Internet (20 millions d’abonnés aux Etats-Unis), le groupe américain Netflix a lancé un énorme pavé dans la mare il y a deux semaines en officialisant un accord historique avec David Fincher et Kevin Spacey, producteurs d’une nouvelle série, un thriller politique intitulé House of Cards – Spacey y tiendra un rôle important, et Fincher réalisera le pilote tout en faisant office de producteur exécutif.
Alors que HBO semblait sur le point de remporter la mise et d’allonger un peu plus la liste de ses prestigieuses productions maison (de Boardwalk Empire à Game of Thrones), Netflix a mis tout le monde d’accord en proposant près de 100 millions de dollars pour acquérir la série et la diffuser en exclusivité sur son site. Sans même avoir vu un pilote (qui reste à tourner !), l’opérateur a commandé deux saisons de treize épisodes. Un risque énorme qu’aucune chaîne n’était visiblement prête à prendre. Une manière de forcer un changement de perspective dans une industrie secouée par la nouvelle.
Le Net veut manger à la table des grands
Netflix avait avancé ses pions il y a quelques semaines en se portant acquéreur de plusieurs ex-séries majeures comme Cheers, Twin Peaks et La Quatrième Dimension. Son entrée dans le jeu de la création originale s’apparente néanmoins à un pas de géant. Fini le temps des webséries sympas mais mineures, limitées à quelques minutes et à quelques dollars : le Net veut désormais manger à la table des grands.
Le directeur des contenus chez Netflix, Ted Sarandos, s’est d’ailleurs empressé de pavoiser dans le New York Times :
« Il y a encore deux ans, ce genre de deal était impossible. Cela dit à quel point le marché émerge et à quelle vitesse Netflix est devenu un acteur crédible de l’industrie du divertissement aux yeux du public et des créateurs de contenus. »
Bien sûr, la fin des séries fabriquées et diffusées d’abord à la télévision n’est pas encore pour demain. Adaptation d’un thriller britannique du début des années 90, House of Cards ne fera son apparition qu’à la fin 2012. Il faudra encore plus de temps avant qu’un acteur venu du Net, même aussi puissant que Netflix, soit en mesure de « remplacer » des chaînes aussi établies et réputées que HBO ou Showtime, pour ne citer que les exemples américains.
Mais la tendance est en germe et pourrait un jour se confirmer à grande échelle. Le spectateur, déjà habitué à regarder les séries sur l’écran de sa tablette numérique ou de son ordinateur, ne devrait y voir aucun inconvénient. Il ira là où le vent le portera.
Olivier Joyard
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