Au Ballon FC et à l’Underground FC, photographes, directeurs artistiques, organisateurs d’événements, journalistes s’affrontent balle au pied. Ils n’ont évidemment pas le niveau de Ronaldo, mais l’essentiel est ailleurs. On joue avec des potes, on noue des contacts, on booste son Instagram, et parfois, on trouve même un job. Ligues de foot d’influenceurs : mode d’emploi.
La ligue des créatifs
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Vous rêvez de rencontrer le directeur général de la boîte de prod’ MK2 ? Vous cherchez le 06 de l’attaché de presse de Colette ? Il vous faut le mail d’un contact au marketing de Dior ? Ne cherchez plus, rendez-vous plutôt au Stade Elisabeth, porte d’Orléans à Paris, un soir de tournoi. Le premier, Elisha Karmitz, le second, Guillaume Salmon et le troisième, Rémi Macario (pour ne citer qu’eux), sont tous au Ballon FC, une des deux ligues de football avec l’Underground FC, qui rassemble le microcosme créatif parisien.
Terminé le cliché d’un sport réservé aux beaufs. Regarder vingt-deux joueurs courir après un ballon rond, ce n’est plus réservé à ceux qui sirotent leur demi de Stella sur le comptoir miteux d’un PMU entre deux tiercés. L’élite créative (mode, communication, directeurs artistiques) de la capitale s’est emparée de ce sport elle aussi, en créant deux championnats.
A l’Underground (fondé en septembre 2014 par la boîte d’événementiel Dcontract), 20 équipes de 7 joueurs sont divisées en deux conférences, sur le même principe que la NBA pour le basket-ball aux USA. Le tout avant un système de play-offs pour les phases finales, auxquelles sont invitées des équipes de Barcelone, Londres, Milan…
Un peu plus tard, dans le prolongement de l’Under, l’agence Nutmeg (fondée par Matthias Leullier, Pascal Monfort et Stéphane Chicandon) a crée la ligue du Ballon FC en janvier 2015. Comme à l’Under, elle rassemble des influenceurs, mais les règles n’y sont pas les mêmes. Huit équipes de 12 joueurs seulement s’affrontent sur la base de matches aller/retour. Comme en Ligue 1 sauf qu’il y a moins d’équipes et moins d’élus.
La cooptation, seul rite initiatique
Pour intégrer ces championnats, il ne suffit pas d’aimer le football. En fait, ce n’est même pas nécessaire. En revanche, mieux vaut peser lourd dans le gotha des créatifs parisiens. « On a des photographes de l’agence Trendy, des journalistes de So Foot, des gens du Petit Journal de Canal +… « , relate Victor Cœur, cofondateur de Dcontract.
A chacun ses codes. Les francs-maçons ont plusieurs rites initiatiques, le Rotary club demande 350 euros par an. Dans un autre style, à l’Under et au Ballon, c’est la cooptation : si tu ne connais personne, tu ne passes pas. La plupart du temps, c’est le capitaine du squad qui valide une candidature. « Les équipes recrutent à peu près comme elles le souhaitent, donc ce sont des gens qu’ils connaissent », explique Victor Cœur. « On s’assure juste que les teams créées soient bien en rapport avec le milieu artistique ou créatif de Paris. Mais on a aussi des avocats, des responsables relations humaines… » C’est comme ça que Boris, éducateur à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de Paris, est arrivé au Dynamo MK2 (l’équipe fondée par Elisha Karmitz à l’Under, directeur général de MK2) au mois de janvier. « Un pote à moi dans l’équipe m’a contacté parce qu’il leur manquait un joueur. Comme je ne me débrouille pas mal avec un ballon, j’ai dit oui. »
Terrain octogonal
A l’Underground, on se retrouve une fois par mois pour des parties de « five » (football à 5), « sur un terrain octogonal pour casser les codes du football traditionnel », détaille Victor Cœur. Une fois sur deux, les rencontres ont lieu dans un endroit insolite, hangar ou usine désaffectée. C’est hype et ça éloigne encore du football du dimanche, où des joueurs aux maillots bariolés tapent dans un ballon délavé sur un terrain parsemé de pâquerettes. « C’est toujours plus stylé dans un hangar, et c’est plus pratique pour une petite fête quand on arrive à délocaliser », note Boris. Le dernier tournoi final a eu lieu dans une usine abandonnée de Saint-Ouen l’an dernier et celui d’avant dans une friche abandonnée près de Montreuil. Un tantinet moins fun, mais plus classique et plus pratique, le terrain de Five du Parc de la Chapelle accueille les autres rencontres.
Au Ballon, huit équipes s’affrontent dans le cadre d’un championnat classique, style Ligue 1. Ils jouent au foot à 7 sur des demi terrains, comme les classes des jeunes de n’importe quelle équipe de football. Le plus souvent au Stade Elisabeth, porte d’Orléans. De la pelouse, des buts, des crampons. Pas de doute : on est sur du football à l’ancienne, juste avec des effectifs réduits. « Il nous est arrivé de délocaliser des rencontres ou tournois à Bauer (stade historique du Red Star) ou à Charléty (stade du Paris FC) », précise Qays Zeroual, de l’agence Nutmeg et qui évolue sous les couleurs de River Dub Plate au Ballon FC, (l’équipes des DJ’s).
Le poids d’Instagram
A l’Under, les buts ne comptent pas vraiment. L’essentiel est ailleurs. « A un moment de la saison, on avait gagné 13 matches sur 15, mais on n’était que 4e au classement parce qu’on ne cartonnait pas autant que d’autres équipes sur Instagram. » L’idée, c’est de balancer les photos des événements organisés par l’Under, lors des rencontres ou des phases finales. Victor confirme : « L’équipe qui poste le plus de photos peut gagner des points pour le championnat. Mais ça n’influe pas sur les play-offs. »
On ne touche pas au classement du côté du Ballon. Mais on ne sous-estime pas l’ami Instagram pour autant. « Le « reach » Instagram (l’influence que l’on a sur le réseau) a son importance, notamment au moment de rejoindre une équipe », explique Qays. « Quand un joueur souhaite intégrer une team, surtout quand il ne connaît personne, on regarde forcément ses likes. »
Nike et Adidas s’en mêlent
Les influenceurs ont déjà un reach important sur les réseaux sociaux, et sur Instagram en particulier. Il faut ce qu’il faut pour poster des photos du tournoi. Mais aussi des items que proposent les marques qui sponsorisent les ligues, puisque le placement produit a une place aussi forte que l’événement, voire plus.
L’Underground est sponsorisé par Adidas, le Ballon l’était par Nike jusqu’à cet été. « Il ne faut pas oublier que les 3 000 euros d’équipements sont fournis par Nike », rappelle Qays. « On ne demande pas de cotisation aux joueurs, mais c’est un juste retour des choses que de poster des photos avec l’équipementier ». Nutmeg réfléchit à un nouveau sponsoring pour la prochaine saison. « Peut-être Puma, sinon on peut aussi repartir sans marque attitrée. »
Outre les équipementiers, ces ligues ont noué d’autres contrats de sponsoring. Le Ballon est par exemple lié à Heineken, pour tout ce qui relève des événements organisés par Nutmeg en dehors des matches.
Toi aussi, trouve ton job grâce au foot
Alors ok, on joue au foot. Plus ou moins sérieusement selon la ligue d’ailleurs. Si Victor reconnaît qu’à l’Under, « on est plutôt à la cool », Qays admet volontiers qu’au Ballon, « ça chambre parfois beaucoup sur le groupe Facebook (fermé) avant un match », et qu’« il est déjà arrivé que des joueurs se fassent la gueule à cause d’un match chaud ». Mais ça ne dure jamais bien longtemps.
Quand des influenceurs se retrouvent pour taper dans le ballon, le but n’est pas que de marquer. Paradoxalement, un tacle ou un coup d’épaule appuyé en match débouche parfois sur une collaboration professionnelle. Qays en est un bon exemple. « Je revenais de New York où je terminais mes études quand j’ai rejoint les River, au Ballon, en janvier 2015. J’ai ensuite intégré Nutmeg quand l’agence a commencé à se stuffer (NDLR : recruter), au mois d’avril. » Et les membres de Bled FC ont joué au Ballon ensemble avant de fonder leur magazine. Preuve qu’on peut percer grâce au foot sans être professionnel.
http://www.lesinrocks.com/cfpj-inrocks-2016-journal-dapplication/
{"type":"Banniere-Basse"}