Depuis qu’il a débuté à New York le 14 janvier, le procès de Ross Ulbricht connaît de multiples rebondissements. L’accusation vient de dégainer une arme de poids qui pourrait coûter la prison à perpétuité au créateur du marché noir d’internet : il aurait commandité six meurtres.
Le couperet va prochainement tomber pour Ross Ulbricht. Le procès du fondateur du supermarché de la drogue en ligne a débuté à New York il y a près d’un mois, mais son bilan s’alourdit de jour en jour. L’Américain de 26 ans est accusé d’être le cerveau de The Silk Road, marché mirifique du deep web. Il serait donc, par extension, coupable de trafic de drogues, de faux documents, blanchiment d’argent et piratage. La première version du site qu’il orchestrait était tombée aux mains du FBI en 2013.
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Silk Road, un business meurtrier
S’il avoue être le créateur de The Silk Road, Ross Ulbricht plaide toutefois non coupable. Mais les charges s’accumulent contre lui, après trois semaines de procès. L’accusation a dévoilé, selon USA Today, des documents très compromettants : des extraits de chats censés prouver que Ross Ulbricht a tenté de se débarrasser de six membres encombrants de son entourage. Dans ces conversations apparaît systématiquement un certain Dread Pirate Roberts, le pseudonyme que l’on attribue à Ross Ulbricht.
La cause de ces meurtres ? FriendlyChemist, l’un des principaux dealers de Silk Road, aurait menacé le cerveau du site de le faire chanter en dévoilant le nom de plusieurs clients et revendeurs. Contacté par Redandwhite, un internaute se présentant comme un Hells Angel à qui FriendlyChemist doit de l’argent, Ross Ulbricht finit par négocier la tête de son maître-chanteur pour 150 000 dollars en bitcoins. Une fois le travail accompli, le Hells Angel met en garde son commanditaire : quatre autres personnes auraient comploté contre lui avec FriendlyChemist et représenteraient toujours une menace. Mise à prix : 500 000 dollars. Le contrait aurait été exécuté.
Quid du sixième mort ?
Il n’y a pas de sixième meurtre. Et pourtant, Ross Ulbricht l’aurait tout de même commandité. En janvier 2013, Dread Pirate Roberts aurait réclamé l’exécution de Curtis Clark Green, administrateur de Silk Road depuis 2011, alors arrêté par le FBI pour détention de cocaïne. Pour éviter que son collègue ne révèle des informations lors de sa détention, Ross Ulbricht aurait payé les services d’un tueur à gages… qui se trouvait être un agent fédéral.
Pour Amaëlle Guiton, auteur de Hackers, au cœur de la résistance numérique et journaliste à Libération, Ross Ulbricht est l’expression d’une vision de la société ou tout est régulé selon la loi mercantile.
“Ce marché fait partie de la culture de l’Internet, et Ross Ulbricht est lui-même un produit de cette culture – très américaine par ailleurs. Ross Ulbricht est un libertarien ; il considère, parfois au mépris de la technologie, que la drogue est un marché, un business qui répond à la loi de l’offre et la demande. Business à l’intérieur duquel, contrairement à la croyance habituelle, les transactions par Bitcoins ne sont jamais anonymes, et sont toutes répertoriées dans un livre de transactions. Je ne sais pas si Ulbricht est un précurseur mais ses activités criminelles posent le débat de l’anonymat. Et il ne faut pas remettre en cause cet anonymat, sous prétexte qu’il est utilisé par des personnes aux intentions douteuses.”
Silk Road Reloaded, et le marché noir renaît
Au total, six assassinats ont été commandités par Dread Pirate Roberts, que l’on présume être Ross Ulbricht, pour la somme de 730 000 dollars. Depuis le début du procès le 14 janvier, la défense cherche à prouver que l’accusé avait délégué la gestion de son site à plusieurs personnes, et que ces dernières avaient prévu de lui faire porter le chapeau en cas de coup dur (un Français fait partie de ces accusés). Les preuves d’assassinat étant inexistantes, le mystère reste entier autour du créateur du plus grand marché noir d’Internet. Il risque la prison à vie. Pendant ce temps, Silk Road vient de ressurgir de ses cendres.
“Silk Road Reloaded sera probablement amené à se développer, surtout si le fonctionnement est différent [le réseau Tor est remplacé par le réseau i2p, et une dizaine de monnaies différentes seront utilisables, ndlr]. C’est toujours un jeu du chat et de la souris. Le trafic de drogues est aussi vieux que l’humanité. Et, comme toutes les activités humaines, ses gérants explorent les potentialités des réseaux et nouvelles technologies. Puis les enquêteurs doivent se mettre à jour. Selon moi, Silk road est une mauvaise réponse à une question qui mérite d’être véritablement posée : comment gère-t-on ce marché ? Avec la prohibition, le blocage de sites ? C’est une question très vaste.”
Comme Amaëlle Guiton ne manque pas de le rappeler, l’Internet grand public n’a que 15 ans : « On apprend encore à s’en servir« . Les internautes et criminels n’en sont qu’aux tâtonnements.
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