Après avoir lancé une myriade de collectifs, le Front national vient de présenter un nouveau projet : Banlieues patriotes. L’objectif ? « s’ancrer dans les quartiers les plus sensibles ».
Après la culture, les enseignants, les lycéens ou encore les jeunes actifs, le Front National s’aventure, via un septième collectif, sur de nouvelles terres : les banlieues. « Banlieues patriotes » a été officiellement lancé mardi dernier, rajoutant un nouveau bras à cette pieuvre qui ne cesse de s’étendre.
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Comme les autres collectifs du Front national, Banlieues patriotes est rattaché au Rassemblement Bleu Marine (RBM). Présentés par les frontistes comme des « laboratoires d’idées », ces collectifs regroupent un petit nombre de personnes, souvent spécialisées dans un domaine particulier, et prétendent à accueillir tout citoyen intéressé par les sujets abordés.
Pour Banlieues patriotes, tout est dans l’intitulé : le Front national cherche ici à s’ancrer dans « les quartiers les plus sensibles », et à faire (re)naître un sentiment patriotique dans ces « espaces délaissés de la République », explique son président, le jeune conseiller régional Jordan Bardella :
« Nous voulons œuvrer et travailler à des solutions concrètes pour renouer avec les quartiers les plus sensibles, les plus difficiles de notre Nation, ceux qui sont aujourd’hui au cœur de la fracture républicaine. »
Les idées débattues lors de réunions, conférences ou rassemblements de ces collectifs visent à alimenter le programme de Marine Le Pen en 2017.
Être partout, y compris en banlieue
En marche pour la présidentielle, le FN multiplie ses points d’ancrage : « Ces collectifs visent à élargir la sphère d’influence du parti dans la société civile, assume Jordan Bardella, sur des sujets sur lesquels on n’attend pas forcément le FN ». Une stratégie que le Front adopte depuis les années 1990, rappelle le politologue spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus, évoquant ce qui s’appelait à l’époque des « cercles »:
« Ce changement sémantique est d’ailleurs intéressant ; il met en avant une dimension collective, il reprend un vocabulaire de la gauche »
Selon lui, l’objectif principal de ces collectifs est de « donner l’impression d’une démultiplication frontiste, et de montrer les nouveau centres d’intérêt du parti, ajoutant : la banlieue n’est pas une notion qu’on associe naturellement à l’action du Front. »
Par ces coups de communication habiles que maîtrise très bien le FN, le parti poursuit son processus de dédiabolisation, en tentant de capter toutes les couches de la population. Car l’objectif est bien là aussi : attirer de nouveaux électeurs.
Banlieues patriotes s’implantera dans un premier temps dans la Seine Saint-Denis, où le FN est arrivé en tête aux dernières élections européennes, et a atteint les 20 % de voix au premier tour des départementales. Malgré une abstention très élevée (68 et 63 %), le vote frontiste semble séduire de plus en plus ces territoires longtemps ancrés à gauche.
« Le FN veut casser le stéréotype habituel qui associe électorat de banlieue et gauche », analyse Jean-Yves Camus. Ce n’est pas la première fois que le parti fait les yeux doux aux banlieues, et en particulier aux citoyens issus de l’immigration, très présents sur ces territoires.
Le FN avait déjà tenté de séduire les banlieues en 2007 avec Soral
En 2007, c’est avec le soutien d’Alain Soral que le FN entend poser un pied dans les quartiers. Le polémiste, qui s’est rapproché du parti, crée l’association Égalité et réconciliation, « d’abord conçue comme un relais de parole frontiste dans les banlieues », peut-on lire dans Histoire du Front national du journaliste Dominique Albertini (éditions Tallandier). Durant sa campagne, Jean-Marie Le Pen invite même les « Français d’origine étrangère » à rejoindre le FN, lors de son discours à Valmy. La même année, c’est une jeune femme métisse qui apparaît sur certaines affiches du Front, tout comme pour les dernières élections régionales… sans peur des clichés.
« Choisissez votre banlieue » : les clichés du FN à l’affiche: Le Front national a… https://t.co/bIG3couZxS pic.twitter.com/qvvrTX7bz0
— SaphirNews.com (@saphirnews) 10 Novembre 2015
Lors d’un visite sur la dalle d’Argenteuil lors de cette même campagne présidentielle, Jean-Marie Le Pen ira même plus loin dans la drague. En s’adressant aux habitants issus de l’immigration, le candidat du FN déclare qu’ils sont « les branches de l’arbre France ». Et se pose même en rempart des banlieues face à Nicolas Sarkozy :
“Vous êtes tous des Français à part entière. Si certains veulent vous karchériser pour vous exclure, nous voulons, nous, vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués pour vous traiter de racaille par la suite.”
La banlieue permet d’aborder d’autres sujets
Mais les scores peinent à décoller dans beaucoup de territoires périphériques. Il faut dire que le discours du FN, s’il se veut plus lisse, ne change guère : rétablissement des frontières ou encore priorité nationale demeurent en haut de la liste. Mais en s’implantant dans les banlieues, le FN s’offre un moyen d’aborder d’autres problématiques susceptibles de toucher les habitants, estime Jean-Yves Camus :
« La banlieue permet de s’emparer de quantités de sujets, et pas seulement de l’immigration : l’urbanisme, le déploiement des forces de sécurité, l’accessibilité des territoires, le communautarisme… Des personnes issues de l’immigration peuvent alors se reconnaître dans le vote frontiste.”
Un tel collectif est une nouvelle occasion pour le Front National de ratisser au plus large, y compris vers des populations souvent dénigrées historiquement par les discours et le programme actuel du parti.
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