Ralliement démenti, contre-meeting de l’UMP, retour aux fondamentaux, la boussole du FN part dans tous les sens. Un seul objectif : élargir son électorat et faire péter l’UMP.
A l’entrée du palais des congrès de Nice, la sécurité des Journées d’été de Marine 2012 ne rigole pas. On passe entre les portiques et l’intérieur des sacs à main est contrôlé. « De la crème solaire ? Normalement, c’est interdit. » « Je suis de la presse. » « Mmm, ok, ça va. » En ce week-end de commémoration des attentats du 11 Septembre, tournant sécuritaire mondial, la candidate à la présidentielle a fait dans le fondamentalisme frontiste. Dans son discours de clôture, le thème de l’immigration est repassé en tête, avec « l’arrêt de l’immigration légale » (gros succès dans la salle), suivi de près par la sécurité. Il a fallu patienter pour l’entendre parler crise et sortie de l’euro, ses sujets de prédilection depuis des mois.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A Nice la très droitière, Marine Le Pen est revenue aux fondamentaux disputés par l’UMP. L’ex-maire Jacques Peyrat, à ses côtés dans la salle, compte reconquérir en 2014 la mairie ravie par Christian Estrosi en 2008. Le FN se tasse dans les sondages (de 22 à 18%, ce qui reste très élevé, d’autant que les scandales d’Etat risquent de lui profiter). Rien de mieux qu’un repli identitaire au moment d’un effacement médiatique dû à la polémique autour de la tuerie en Norvège et à la remontée de Sarkozy, paradoxalement reboosté par la crise.
2000 militants UMP contre 600 côté FN
A droite, on se rend coup pour coup. Lundi 12 septembre, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, annonce qu’il veut rapatrier les mineurs roumains délinquants. La veille, Christian Estrosi a transformé sa réunion annuelle en contre-feu aux Journées du FN. Une démonstration de force : 2 000 militants UMP contre 600 grand max aux heures de pointe aux journées marinistes.
Dans le Théâtre de verdure, en plein soleil, le chef de la majorité Jean-François Copé achève son discours, non sans avoir taclé le FN :
« Le patriotisme, ce n’est pas la haine de l’autre (…) Qui est l’allié objectif du FN ? Les spéculateurs des marchés. »
Assis aux côtés d’Henri Guaino et Alain Joyandet notamment, le maire de Nice se lève et entame son discours de clôture. Une spectatrice brandit alors une pancarte et crie « Estrosi complice, pas de mosquée à Nice ». Plusieurs militants de la branche locale du Bloc identitaire, Nissa Rebela, vont successivement l’interrompre. « Aller au congrès du FN ? On n’a rien à voir avec eux », rétorque l’un d’eux après avoir été sorti vigoureusement par le service d’ordre.
Une « dédiabolisation » critiquée
Samedi, Yvan Benedetti, issu de l’Oeuvre française (groupuscule ouvertement fasciste) et « purgé » du FN – selon ses termes – en juin, a tenu une conférence de presse avec Alexandre Gabriac, exclu du parti pour cause de salut nazi. Il fustige et pointe les contradictions de la politique de « dédiabolisation » du FN. « Marine Le Pen déjeune avec Serge Ayoub (figure tutélaire des skins français – ndlr) mais dénonce les tenues vestimentaires et les cheveux courts », a déclaré le soutien de Bruno Gollnisch. Ce dernier a jugé que cette conférence n’était « pas une bonne idée ». Benedetti a surtout dévoilé l’existence, selon lui, d' »un protocole d’accord » entre le Bloc identitaire et « des membres du cabinet de Marine Le Pen ». Le Bloc retirerait sa candidature en échange de places aux législatives. » J’ai des mails », insiste Benedetti, tout en refusant de les montrer. « Comme d’habitude, Benedetti ne dit que des sottises », balaiera plus tard Marine Le Pen.
Le lendemain, Arnaud Gouillon, candidat du Bloc, annonce son retrait de la course à la présidentielle. Les raisons invoquées ? Le manque de moyens et la difficulté à réunir les cinq cents signatures. Le même jour, Philippe Vardon, figure historique du Bloc identitaire niçois, est dans la salle pendant le discours de Marine Le Pen. Pour travailler à la réélection de Jacques Peyrat. Aussi parce que « certains cadres du Bloc identitaire intéressent le FN (…) Ils sont jeunes, activistes, provocateurs sans excès et savent utiliser comme personne les nouveaux médias », comme l’écrivent les journalistes du Monde Abel Mestre et Caroline Monnot dans Le Système Le Pen (Denoël).
Au week-end du Front, les militants FNJ ressemblent certes à des Jeunes pop, mais ils étaient une cinquantaine à tout casser.
Echaudé par les intrusions à son meeting, Christian Estrosi a brocardé lundi un FN « allié avec des gens qui servent de la soupe au porc pour discriminer les musulmans ». Furieusement anti-islam sous un drapé de laïcité, le Bloc est partisan du renvoi des immigrés au nom de la sauvegarde des cultures et de la haine du métissage. Ce groupuscule d’extrême droite est antirépublicain, régionaliste et européaniste. A mille lieues du discours de Marine Le Pen sur l’Etat fort, la sortie de l’euro et la nation.
Ralliements en série
Loin aussi du gaulliste souverainiste Paul-Marie Coûteaux, fraîchement rallié au Front national. Ancien proche de Jean-Pierre Chevènement, Philippe Séguin, Charles Pasqua ou Nicolas Dupont-Aignan, son rapprochement fait partie de la stratégie d’élargissement et d’ouverture du FN, engendrée par la « dédiabolisation ». Pour passer le premier tour de la présidentielle comme en 2002, il faut ratisser large. Autre ralliement, celui de l’ultralibéral Alain Dumait, ancien maire UDF du IIe arrondissement de Paris et future tête de liste soutenue par le FN aux sénatoriales. Mais, comme les Identitaires, pas sûr qu’il soit en accord avec les invocations de « l’Etat fort », de l’intérêt général et de « bonne dépense publique » de Marine Le Pen.
Identitaires, souverainistes, ultralibéraux, un alliage hétéroclite de circonstance, qui « repose sur son score à l’élection présidentielle qui doit permettre d’être en position de force aux législatives », écrivent Mestre et Monnot. Si Sarkozy est battu, les cartes seront rebattues à droite – 30 % des investitures frontistes pour les législatives sont réservées aux ralliés. Mais cette écurie présidentielle idéologiquement hétéroclite est instable.
Avant ces Journées d’été, le Front national avait donné un os aux journalistes. Un rallié de poids y serait dévoilé. Entre deux mini-pans-bagnats, on apprend samedi qu’Yves Bertrand, ancien boss des RG et chiraquien pur jus, a donné une interview au site Causeur.fr. « Marine Le Pen est quelqu’un de respectable et elle devrait pouvoir participer pleinement au débat politique. Elle est victime d’une diabolisation injuste et absurde à cause de son nom », déclare-t-il avant de plaider pour sa réintroduction dans la famille de la droite républicaine et parlementaire. Voilà le fameux ralliement. Las, le lendemain, Bertrand explique qu’il n’est pas question pour lui d’adhérer et de voter FN.
Gêné par ce démenti, le FN adapte son argumentaire : « un pas un arrière, deux pas en avant. Au total, on avance… » Pour l’instant, de la société civile, Gilbert Collard reste le seul ralliement médiatique. Le président du comité de soutien était très présent aux Journées Marine 2012. Il promet de dévoiler la liste des autres ralliés pour octobre. Cette caution « dédiabolisation » aime dire : « Si Marine dérape, je me barre. » Peu subtil et démago, l’avocat a placé à la tribune deux fois les mots « cul » et « couille », une fois « merde » et aussi le verbe « péter ». Collard flatte la France du bar. Avec un hit : « Qui aura les couilles de faire quelque chose ? (le public scande Marine ! Marine ! Marine !) Comme disait Audiard, il faut avoir les couilles glorieuses ! » Son objectif ? Marteler encore et encore que le FN n’est pas raciste, qu’il n’est pas honteux de le rejoindre. A la fin de son discours, commentaire d’une frontiste à chien-chien : « Il le fait par intérêt, pour qu’on parle de lui, j’aime beaucoup Marine Le Pen, mais il est trop tard, on est déjà envahis. »
Anne Laffeter
{"type":"Banniere-Basse"}