Une campagne #CoglioneNo (couillon non!) lancée sur la toile en début de semaine dernière par le collectif italien Zero a fait le buzz en quelques heures. Elle met l’accent sur une réalité sociétale du « Bel Paese » : l’absence totale de valorisation du travail des jeunes indépendants.
“Tu es jeune et pour ce job il n’y a pas de budget.” “Je suis en train de te donner une grande opportunité de visibilité.” “Tu peux le mettre dans ton CV.” trois phrases et tant d’autres remarques amères que les travailleurs indépendants en Italie s’entendent rétorquer quotidiennement, quand ils osent réclamer un salaire pour leur boulot, surtout lorsqu’ils ont le malheur de se lancer dans un secteur dit “créatif” (par exemple des jobs de web designer, de photographe, d’acteur ou encore de graphiste… ). Ainsi, depuis près d’une semaine, une campagne “Jeunes oui… créatifs oui… free lance oui, mais couillons non” (#coglioneNo) tourne sur les réseaux sociaux italiens.
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Elle a été lancée par le collectif Zero, composé de trois réalisateurs et monteurs vidéo Stefano De Marco (25 ans), Niccolò Falsetti (26 ans) et Alessandro Grespan (29 ans) basés entre Rome et Londres, elle défend le respect des métiers de “création”. “L’idée nous est venue en lisant les mails qu’on recevait avec ce genre de propositions”, explique Alessandro Grespan.
Pour illustrer leur campagne, ils ont tourné trois vidéos mettant en scène un jardinier, un plombier et un installateur d’antennes. Une fois leur travail terminé l’employeur les remercie et leur explique qu’ils ne seront pas payés. La situation semble alors totalement absurde. Pourquoi la réaction n’est pas la même quand il s’agit de rémunérer des jeunes créatifs ?
Une question que pose Alessando Grespan : “On a voulu exprimer le ressenti de ceux qui vivent ce genre de situation au quotidien.” La campagne #coglioneNo a été reprise quelques heures après son lancement par les médias nationaux italiens, et s’en est suivi un véritable buzz. Elle pointe une réalité de plus en plus prégnante dans la société italienne. “Visibilité” ou “expérience formatrice” sont autant d’arguments au nom desquels on se permet de proposer aux jeunes de travailler gratuitement.
«En Italie, il y a une perte de dignité du travailleur. Le travail est de plus en plus dévalué. Les annonces publiques pour services ou travaux non rémunérés se multiplient. Il n’y a plus de respect. Quand c’est pour un stage d’apprentissage et qu’on est encore étudiant on peut encore l’excuser. Mais quand tu es diplômé et que tu veux te lancer sur le marché du travail, proposer de travailler gratuitement, c’est honteux. Or en Italie on a l’impression que les gens ne cachent pas cette pratique”, s’exclame le jeune membre de Zero.
“Dans les autres pays j’ai l’impression que c’est différent. En tout cas ici à Londres, où j’habite, je n’ai jamais vu de telles annonces publiques.” En 2010 Alberto Arbasino, écrivain et essayiste italien, avait déjà évoqué ce phénomène dans un article parut dans La Repubblica : “C’est peut-être un héritage de l’époque où les auteurs étaient traités comme des laquais. Mais chaque jour, vous êtes invité à travailler gratuitement. Présenter, assister, parler, écrire, pour des institutions ou des organisations, si majestueuses et importantes qu’elles demandent à un professionnel d’effectuer le travail requis sans rémunération.”
“On est content de l’accueil. On observe avec intérêt le buzz que la campagne a pu faire.” déclare Alessandro qui souligne : “On veut regarder quels effets elle va concrètement avoir sur la société. Quel message va en ressortir. Pour l’instant les gens en parlent beaucoup mais est-ce que ça va aider à faire évoluer les choses ?” C’est ce qu’espère ce jeune collectif d’à peine trois ans.
En attendant les développements futurs, le trio italien se penche sur son nouveau projet, qui devrait voir le jour fin mars : il s’agit d’Erasmus24_7 un documentaire sur les coulisses des échanges Erasmus.
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