Porter un jogging comme si c’était un costume et vice versa… So chic.
Un costume ou un survêt ? Un costume-survêt bien sûr. La jeune fille ci-contre en porte un parce qu’il allie ses deux grandes passions : les belles matières et son souvenir émoustillé des petites canailles traînant devant son collège. Jusque-là, son éducation bourgeoise lui interdisait de penser un vêtement hors de sa fonction : ses leggings Bugs Bunny étaient donc réservés à ses cours de gymnastique rythmique. Cependant, ces survêtements de rue, transgressifs et émancipateurs, semblaient promettre une vie meilleure, faite de balades en scooter et de joints à toute heure.
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Alors aujourd’hui, pour laisser entrevoir son passé (presque) rebelle, elle se balade sur le catwalk Lacoste en survêtement “morphé” en costume de luxe en soie carmin. La marque au crocodile, depuis sa réappropriation par la rue dans les années 90 et l’arrivée du créateur portugais Felipe Oliveira Baptista à la direction artistique en 2010, ne cesse d’être sublimée et réinjectée dans le luxe. “C’est un hybride de tout ce que j’aime : la fonctionnalité, la rue, la sensualité”, dit Baptista, qui assume ces touches bad boy.
Lettres de noblesse
Mais on revient de loin. Car si le survêt fait ses premières apparitions dans les années 70 – époque de la frénésie fitness –, les années 80 le transforment en phénomène de mode urbaine. Il occupe, en miroir, le rôle du costume dans un monde parallèle où l’arène est la rue. Les marques – Kappa, Sergio Tacchini, Fila – proposent des modèles toujours plus flashy. Il est entretenu comme un costume, porté en total look, avec baskets d’un blanc immaculé.
Depuis quelques saisons, le luxe le redécouvre, et des marques pointues comme Cottweiler, Nicopanda ou Nasir Mazhar proposent leurs versions haut de gamme, raffinées, voire “queerifiées”. En parallèle, le costume aussi revient à la mode – chez Hermès, Lemaire, Gucci –, et s’assouplit, littéralement et symboliquement : Christine And The Queens en fait son uniforme, Kate Moss l’allie à des baskets et un T-shirt élimé, la marque Brunello Cucinelli le marie à du sportswear. L’un a pris la place de l’autre, le smoking s’est transformé en jogging et vice versa – l’un a gagné la rue, l’autre ses lettres de noblesse.
Quant à notre héroïne, elle voit dans son vêtement doucement hybride, une émancipation double : elle évoque le smoking de Saint Laurent, si libérateur dans les seventies, mais aussi l’androgynie rebelle de la fille en survêt (Sporty Spice ou la rappeuse Lady Sovereign). Racaille des beaux quartiers, princesse des cités, elle décloisonne sans salir ses Air Max.
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