Le bar Calamity Joe à Pigalle ferme ses portes. Sa dernière soirée aura lieu le samedi 4 mai. Johanne Gabrielle, la gestionnaire du lieu, revient sur les raisons de cette décision et explique la vague de fermeture qui touche le milieu lesbien parisien depuis ces dernières années.
Le bar Calamity Joe à Pigalle ferme ses portes. Sa dernière soirée sera samedi 4 mai. Restée très vague sur les raisons de cette fermeture inattendue, Johanne Gabrielle, la gestionnaire du lieu, revient sur les raisons de décision et explique la vague de fermeture qui touche le milieu lesbien parisien depuis ces dernières années.
Assise au Bistro 9 dans la rue Frochot, non loin de son Calamity Joe, Johanne Gabrielle, tout de léopard vêtue, fume avec nonchalance une clope. « Ça y est. C’est fini. On a rendu les clés. » Plus que quelques jours et le Calamity fermera définitivement ses portes. Pourtant, depuis son ouverture le 27 novembre 2012, le bar n’a pas cessé d’enflammer les soirées parisiennes. Ouvert quatre jours par semaine, du mercredi au vendredi, la fête était mixte excepté le samedi où l’entrée était réservée aux lesbiennes. En plus de DJ sets opérés par Crame, la bande de Brain magazine ou Aurore Leblanc, le public du Calamity a pu par exemple danser sur les Black Lips qui s’y sont produits récemment.
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Ces jours-ci, le portable de Johanne Gabrielle n’arrête pas de sonner. Les clients et amis se demandent pourquoi leur lieu de rendez-vous ferme. ‘La clientèle ne sait pas. On n’a pas voulu expliquer tant qu’on n’était pas sûr de partir. » Le souci majeur pourrait venir de différends avec le propriétaire. Et à ces problèmes s’ajoute une mauvaise gestion financière du lieu.
La quarantaine, regard franc et voix rauque, Johanne a les cheveux blonds coupés courts coiffés en arrière avec du gel. Ses yeux sont soulignés par du khôl noir. Elle connaît bien le milieu nocturne lesbien. Chanteuse de formation, elle décide de devenir DJ. Organise des événements. Elle entre pour de bon dans le milieu par la porte du Champmeslé, un des plus vieux bar lesbiens de la capitale, situé à Opéra et ouvert en 1979. Elle y rencontre Joe sa compagne. Elle travaille plusieurs années Chez Moune, un club pour filles à Pigalle. Vient ensuite le Fox, un bar lesbien de la rue Frochot, qu’elle gère de janvier 2011 jusqu’à l’ouverture du Calamity Joe.
Un phénomène général
En 2007, la célèbre boite de nuit le Pulp met la clé sous la porte. Il est racheté par la mairie qui veut y construire un parking et des logements. En février 2012 Le Troisième lieu et Les filles de Paris ferment à leur tour, cette fois pour des problèmes de gestion. Aujourd’hui, c’est au tour du Calamity Joe. Une série qui montre bien la difficulté de perdurer pour les lieux de sortie pour filles. « La communauté lesbienne possède finalement peu d’espaces festifs, contrairement au milieu gay masculin », explique Johanne Gabrielle.
« C’est déjà très difficile d’ouvrir un bar lesbien. La communauté lesbienne est très dure et peu communautaire. Quand on a ouvert le Fox, on avait reçu des mails d’insultes d’autres bars lesbiens. »
Le voisinage n’est pas facile à gérer non plus. « Toutes les plaintes étaient pour nous. Même quand le bar était fermé. »
Au-delà des problèmes de gestion, les fermetures sont souvent causées par l’incompréhension ou l’intolérance des fonds de commerce vis-à-vis du concept. « Les investisseurs ont souvent une vision hétéro des soirées lesbiennes. Ils pensent qu’elles ressemblent à des scènes de films pornographiques, alors qu’on est juste là pour faire la fête comme tout le monde. Une fois qu’ils s’en rendent compte, ils sont moins emballés. Très vite, ça ne marche plus. »
Il est 19h30. Johanne Gabrielle doit filer. La première soirée de cette dernière semaine ne va pas tarder à commencer. Elle n’est pas prête de quitter le milieu de la nuit et surtout Pigalle. « Ce quartier, c’est mon histoire de nuit et je veux la faire durer. » Elle sourit : « on va se prendre un peu de vacances avec ma copine. Dès qu’on revient, on reprend le Fox. Il est juste en face du Calamity. »
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