Serge se rebooste avec Espion(s), le nouveau film de Nicolas Saada, mais aussi grâce à la musique d’Aretha Franklin. Et il vous invite à le rejoindre le 30 janvier à 20 heures au Théâtre du Châtelet, à Paris, pour défendre la liberté de la presse.
Aujourd’hui sort le beau Espion(s), passage réussi d’un critique derrière la caméra. J’ai vu ce film, et aussi sa bande-annonce, et je suis de nouveau effaré par le caractère “mensonger” des hameçons qui ont pour but de ferrer le spectateur. Le film de Nicolas Saada s’incrit dans le genre “espionnage”, mais assez vite, l’introspection des relations amoureuses ou amicales prennent autant d’importance sinon plus que l’affaire d’espionnage. La mise en scène est toute en élégance, plans amples et longs, installation d’un climat de tension, de duplicité et de paranoïa. Or, le film-annonce est au contraire monté à la mitraillette, laissant présager un film d’action speed, bourré d’action et de courses-poursuites, bref, quasiment le contraire du vrai film, beaucoup plus mental atmosphérique et mélancolique. Neuf fois sur dix, une bande-annonce donne une très fausse idée de l’objet qu’elle promotionne. Il est vrai qu’il est difficile de résumer deux heures en deux minutes, et qu’il est impossible pour un clip d’avoir le même pouls qu’un long métrage.
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Ricky de François Ozon et Tokyo sonata de Kyioshi Kurosawa sortent bientôt. Deux films assez dissemblables mais qui ont un point commun : ils parlent chacun à leur façon, allusivement ou directement, de notre crise de civilisation, de la précarité généralisée de tous les aspects de nos existences, qui contamine jusqu’à l’intimité des familles. Ozon combat le pessimisme par le fantastique, Kurosawa donne in extremis une note d’espoir avec la musique. Aucun de ces deux films ne relèvent stricto sensu du “cinéma social”, mais ils montrent que l’angoisse contemporaine ronge tout, y compris tous les types de films.
Pour me regonfler le moral, me rebooster avec un bon coup de spiritualité charnelle, j’ai fait une petite cure d’Aretha Franklin. Aretha vient de chanter pour l’investiture d’Obama, mais surtout, elle vient d’être élue par le magazine Rolling Stone (et par un grand jury de critiques, journalistes, chanteurs et musiciens) meilleure chanteuse de l’histoire (du rock, de la pop et de la soul, s’entend – l’opéra ou le lyrique n’étaient pas pris en compte). Même si ce genre de référendum n’est jamais la vérité gravée dans le marbre, ça vous pose une Aretha : meilleure chanteuse, yep, devant Elvis, Sinatra, Lennon, Jagger, Marvin Gaye, Johnny Rotten, Julien Doré et toute la sainte famille de l’histoire de la musique populaire anglo-saxonne. Même si cette ceinture officieuse de heavyweight champion of the world peut toujours être débattue, elle n’est pas usurpée : après deux heures d’Aretha, je me sentais beaucoup mieux, j’avais même la pêche dis donc ! J’ai réécouté tous ses classiques, les Respect, You make me feel like a natural woman, I Say a little prayer, Do right woman, etc. Mais aussi les diamants moins connus comme All the king’s horses, pure merveille qui alterne douceur sensuelle et tripes sur la table. On entend toute l’histoire noire américaine dans la voix immense de cette fille de preacher : les coups de fouet des champs de coton, le réconfort spirituel des églises baptistes, le hurlement face aux injustices, le combat des droits civiques, le discours de Luther King, la longue marche vers l’égalité en droit et vers la dignité, l’odeur des grits et de la soul food, et jusqu’à l’avènement de Barack Hussein. On entend aussi la puissance sexuelle tellurique de la soul et du rock. Aretha est peut-être moins belle que Beyoncé, mais quand elle chante, elle sent la sueur et le foutre, et elle en devient mille fois plus bandante que n’importe quel top model anorexique, n’importe quelle starlette sous cellophane ou sur papier glacé. Le rock ou la soul dignes de ce nom, ça a toujours été ça pour moi : ça doit faire palpiter l’esprit, le coeur, l’âme et l’entrejambes. Ne jamais oublier l’entrejambes. “Fuck”, comme disait Laurent Chalumeau avec son sens inné de la concision (j’en profite pour lui rendre le copyright de la formule “sa Bossitude”).
Ce vendredi soir, au théâtre du Chatelet, on s’adressera sans doute plus à l’esprit et aux consciences qu’à l’entrejambes. Six médias (Le Nouvel Obs, Marianne, Charlie Hebdo, Mediapart, Rue 89 et Les Inrocks, soutenus par Reporters sans frontières) s’allient pour alerter et sensibiliser au sujet de la main mise de Nico 1er sur les médias et des menaces ou restrictions que celà fait peser sur la liberté d’expression et le droit à une information plurielle. Si celà vous intéresse, c’est donc vendredi, 20h, théâtre du Chatelet, entrée libre et gratuite. Ce ne sera pas une messe baptiste, mais peut-être un peu de ce “spirit in the dark” que chantait Aretha.
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