Le prochain film de Lucas Belvaux (38 témoins, Pas son genre), éloquemment intitulé Chez nous, a pour toile de fond la mécanique d’un parti d’extrême droite français rebaptisé « Bloc patriotique », et dirigé par une femme résolue à prendre le pouvoir, Agnès Dorgelle (le même nom que dans le livre d’anticipation Le Bloc, de Jérôme Leroy, qui raconte la prise de pouvoir du Bloc patriotique). Toute ressemblance avec le Front national de Marine Le Pen est évidemment fortuite.
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Mais sa bande-annonce, sortie le 30 décembre, a tout de même suffi à enflammer les cadres du FN, dont son vice-président Florien Philippot, alors qu’ils ne l’ont pas vu.
« ça a l’air d’être un joli navet »
« La « démocratie » française de plus en plus malade : un film « anti-FN » sortira en pleine présidentielle. Financé par vous », a tweeté l’énarque du parti frontiste.
La "démocratie" française de plus en plus malade : un film "anti-FN" sortira en pleine présidentielle. Financé par vous. https://t.co/wGnuoLvLC3
— Florian Philippot (@f_philippot) December 30, 2016
Dans l’émission Le Grand rendez-vous d’Europe 1/Les Echos/i-Télé, le numéro 2 du FN persiste, et s’indigne en particulier de la date de sortie du film, le 22 février, comme l’a remarqué Le Lab d’Europe 1 :
« D’après la bande annonce que j’ai vue […], ça a l’air d’être un joli navet, mais, au-delà de la qualité du film, je trouve ça proprement scandaleux qu’en pleine campagne présidentielle, je crois précisément à deux mois du vote, on sorte dans les salles françaises un film qui est clairement anti-Front national. »
Pour lui, la dimension militante du film est évidente, et autant « mettre le budget de ce film sur les comptes de campagne de nos adversaires ».
A croire que le FN a distribué des éléments de langage
Plusieurs cadres du FN lui ont emboîté le pas dans une critique sans concessions du film, dont ils n’ont vu que la bande-annonce. Ainsi le président du groupe FN dans la région Bretagne, Gilles Pennelle, a tweetté : « Film de bobos avec des bobos pour les bobos. Mépris du peuple français et de sa liberté d’expression ».
"Chez Nous"
Film de bobos avec des bobos pour les bobos
Mépris du peuple français et de sa liberté d'expression
https://t.co/vTr8J8A358— Gilles Pennelle (@GillesPennelle) December 31, 2016
Même son de cloche chez Steeve Briois, maire FN d’Hénin-Beaumont, qui s’en prend directement au physique de l’actrice Catherine Jacob (qui joue le rôle de la présidente du Bloc patriotique) : « Pauvre Marine Le Pen, qui est caricaturée par ce pot à tabac de Catherine Jacob. Un sacré navet en perspective ! » (à croire que le FN a distribué des éléments de langage)
Pauvre Marine Le Pen, qui est caricaturée par ce pot à tabac de Catherine Jacob. Un sacré navet en perspective ! https://t.co/zGp1DUYUxu
— Steeve Briois (@SteeveBriois) December 30, 2016
Pour être tout à fait transparent, peut-être aurait-il pu rendre à César ce qui appartient à César : c’est l’humoriste (sans doute anti-FN, mais bon) Stéphane Guillon qui avait comparé Martine Aubry à un « pot à tabac » en 2009 sur France Inter (suscitant une polémique).
Un film « militant » ?
Mais Chez nous est-il vraiment un film militant ? Comme l’explique le Lab, le dossier de presse du film, téléchargeable sur le site du Pacte, contient une interview de Lucas Belvaux qui explique sa vocation :
« ‘Chez nous’ est un film engagé, oui. Il n’est pas militant pour autant, il n’expose pas vraiment de thèse. J’ai essayé de décrire une situation, un parti, une nébuleuse, de décortiquer son discours, de comprendre son impact, son efficacité, son pouvoir de séduction. De montrer la désagrégation progressive du surmoi qu’il provoque, libérant une parole jusqu’ici indicible. D’exposer la confusion qu’il entretient, les peurs qu’il suscite, celles qu’il instrumentalise. »
Lucas Belvaux précise qu’il n’a rien inventé « si ce n’est ce qui relève directement du récit ». Le réalisateur belge s’est dit « surpris » par ces réactions : « Philippot n’a vu que la bande annonce, donc c’est une polémique à peu de prix qui évite le débat sur le fond du film », a-t-il indiqué dans l’émission Bourdin-Direct sur RMC/BFMTV.
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