Le 4 décembre, l’Autriche devra mettre fin à l’interminable feuilleton de l’élection présidentielle et choisir entre l’écologiste Alexander Van der Bellen et le candidat d’extrême droite Norbert Hofer. Un enjeu crucial, car ce dernier menace à son tour, après le Brexit, de quitter l’UE.
La tension était palpable entre les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle autrichienne, lors du débat télévisé, le 27 novembre 2016. A quelques jours de l’échéance, le 4 décembre, l’écologiste Alexander Van der Bellen et le candidat d’extrême droite Norbert Hofer sont au coude-à-coude dans les sondages, malgré un léger avantage de ce dernier. Après plus de 350 jours de campagne, l’objectif est de mobiliser le plus possible des électeurs, lassés d’aller voter pour la troisième fois en neuf mois.
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En avril 2016, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche ont surpris le pays entier : aucun des deux candidats des principaux partis (le SPÖ socialiste, et l’ÖVP conservateur, alternant au pouvoir depuis 1951) ne s’est qualifié pour le second tour. A leur place, le plus jeune candidat de cette présidentielle, Norbet Hofer, 44 ans, candidat d’extrême droite du FPÖ, et Alexander Van der Bellen, 72 ans, pour le parti écologiste.
Le pays s’est profondément divisé sur la question, jusqu’au second tour, donnant Van der Bellen vainqueur. Mais un vice de procédure (lié notamment au vote par correspondance) va conduire au report du scrutin, par deux fois. De quoi entamer sérieusement la confiance des Autrichiens en leur démocratie ; surtout, de quoi perdre de vue l’utilité de se déplacer pour élire un homme à une fonction vacante depuis près d’un an.
Un vote de première importance pour l’Europe
Pourtant, ce vote a une valeur hautement symbolique (s’il est élu, Norbert Hofer serait le premier président européen d’extrême droite), et pourrait avoir d’importantes répercussions politiques. Car, si le président autrichien n’exerce traditionnellement que des fonctions de représentation, Hofer a affirmé qu’il utiliserait tous les pouvoirs conférés à cette fonction par la Constitution autrichienne s’il était élu. « Vous allez être surpris de ce que peut accomplir un président« , avait-il asséné lors d’un débat télévisé quelques jours avant le premier tour. Cela comprend, notamment, la possibilité de destituer le gouvernement, et de provoquer de nouvelles élections législatives, au moment où le FPÖ est au plus haut dans les sondages.
Avant que le second tour de mai 2016 soit annulé, le candidat écologiste Alexander Van der Bellen avait gagné l’élection, d’une courte tête. Seulement, depuis le printemps, de nombreux événements ont pu faire évoluer le vote autrichien. À commencer par le Brexit, voté en juin. Il y a quelques jours, Norbert Hofer a réaffirmé à la BBC sa volonté de proposer un vote de sortie de l’UE aux Autrichiens, un « Öxit », si des lois européennes venaient à limiter un peu plus les prérogatives des Etats.
L’effet de l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis n’est pas non plus à négliger. Le FPÖ a félicité le magnat de l’immobilier au lendemain de sa victoire ; depuis, Hofer surfe sur la vague anti-élite, anti-système et « priorité nationale » qui semble déferler sur la politique occidentale ces derniers temps.
Sans oublier le contexte plus général : « la crise économique qui a sévèrement touché les plus pauvres, explique Sonja Puntscher-Riekmann, professeure de sciences politiques, et directrice du centre d’études européennes de l’Université de Salzbourg, et même si l’Autriche connaît un regain de croissance, cela continue de ne bénéficier qu’aux plus riches« .
Et puis, il y a la crise des réfugiés, dans laquelle le pays est partagé entre le modèle allemand de l’accueil, et celui, hongrois, du rejet et de la fermeture des frontières.
« Les citoyens autrichiens changent peu à peu de discours vis-à-vis des réfugiés. Ils commencent à remettre en question le montant des aides de l’Etat qui leur sont octroyées, et à se demander pourquoi ils n’éliraient pas, eux aussi, un homme fort à la tête de leur pays pour protéger leurs intérêts, comme le fait Viktor Orban en Hongrie ».
La stratégie de normalisation d’un parti fascisant
Le véritable danger, pour Sonja Puntscher-Riekmann, c’est la normalisation du discours du FPÖ et de son candidat. À l’image du FN en France, le parti tente depuis 2005, et l’arrivée de Heinz-Christian Strache à sa tête, une stratégie de normalisation qui, à l’évidence, a fait ses preuves auprès des électeurs. En se débarrassant de ses membres les plus controversés, et en axant son discours sur l’Union Européenne et l’immigration, Norbert Hofer se présente comme un candidat normal, le candidat du peuple.
La mobilisation citoyenne contre l’extrême droite reste importante ; le pays est profondément divisé autour de cette élection, et de nombreux électeurs et personnalités, comme l’acteur Christoph Waltz, ont appelé à faire barrage à Norbert Hofer. Depuis quelques jours, la vidéo de Gertrude, une rescapée de la Shoah, mettant en garde contre l’extrême droite fait le buzz sur les réseaux sociaux.
Mais les deux partis principaux, au pouvoir au sein d’une coalition ne semblent plus plus aussi enclins que leurs citoyens à lutter contre l’extrême droite. Le SPÖ et l’ÖVP n’ont donné aucune consigne de vote officielle à leurs électeurs ; les seules prises de position au sein de chaque parti sont exprimées à titre individuel. Ce qui donne lieu à une sorte de cacophonie illisible, en particulier au sein de l’ÖVP, qui est en train de se déchirer autour de la question du soutien ou non à Norbert Hofer. Sonja Puntscher-Riekmann, le parti conservateur tente de se positionner en cas de victoire de l’extrême droite ; car « si le doute reste entier pour le SPÖ, il est possible que l’ÖVP forme une coalition avec le parti d’extrême droite, si celui-ci venait à remporter des élections législatives« .
Depuis quelques semaines, le SPÖ et l’ÖVP semblent même ménager Hofer et son parti. Cela a été le cas notamment lors d’un débat télévisé, mi-novembre, entre le chancelier socialiste Christian Kern, et le dirigeant du parti Heinz-Christian Strache. Le chancelier a surpris les observateurs de la vie politique, et une partie de la population autrichienne pour son indulgence vis-à-vis du leader d’extrême droite… « Comme si l’élection de Norbert Hofer était une fatalité« , conclut Sonja Puntscher-Riekmann.
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