Invitée de l’émission “Dans le Genre” dimanche dernier, la journaliste, historienne et écrivaine Laure Adler parle des genres, de féminité et féminisme au micro de Géraldine Sarratia.
On l’écoute sur France Inter pour l’émission L’Heure bleue, et on la lit dans son nouveau livre, Le Dictionnaire Intime des Femmes. Des entrées variées, un style érudit et vagabond qui évoque Marguerite Duras, le sexe ou encore Pedro Almodovar. Pour l’émission de Radio Nova Dans le Genre, l’écrivaine passe de l’autre côté du micro pour laisser Géraldine Sarratia lui poser les questions. Il y est question de genre, de son genre, mais aussi de féminisme et de ce qu’est la féminité aujourd’hui. Premier filet de voix, première interrogation : “Vous sentez-vous féminine ?”. La réponse est franche, comme pour annoncer le reste de l’interview : “Non, pas vraiment. Pas du tout même.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Garçon manqué
Laure Adler a bien un genre : garçon manqué. Elle grandit en Afrique, avec ses parents et trois soeurs. Sa mère est d’une grande beauté, ce qu’elle ignore, et son père est un féministe amoureux éperdu de sa femme : “Il a toujours pensé et pense toujours que le sexe féminin est supérieur au sexe masculin, raconte l’écrivaine. Je pense que ma mère a toujours été le modèle de mon père.”
Elle raconte, dès l’enfance, le sentiment d’être moins féminine, d’être un garçon manqué par rapport à sa soeur Véronique :
“J’étais son opposée, son antithèse et assez fière de l’être d’ailleurs, d’être le garçon de la famille (…) Je me pense toujours plus garçon manqué que fille et féminine, je ne passe pas beaucoup de temps à me maquiller, je ne porte presque pas de talons – j’ai des talons aiguille mais qui restent dans la garde robe, parce que je ne sais pas marcher avec.”
L’enfant “maladroite, pataude” ne devient ni virile ni féminine, elle est une femme-garçon manquée. Sa figure d’identification à l’adolescence n’est autre que Françoise Hardy, et, à travers l’objectif d’Agnès Varda, Gérard Philippe, qui la fascine. La fascinent également Philippe Katerine et Jeanne Balibar, qui dépassent même les notions de masculins et féminins dans le rapport au genre tout à fait intime et particulier de la journaliste : “Philipe Katerine est une femme qui ignore souvent qu’elle est un homme et s’en amuse, et Jeanne Balibar c’est un garçon qui oublie de temps en temps, pour notre plus grand plaisir, qu’elle est une femme.”
“La féminité c’est d’abord l’intelligence”
Marguerite Duras, le mouvement #BalanceTonPorc, Roman Polanski, Angela Merkel. Laure Adler et Géraldine Sarratia évoquent ou développent ces sujets, et en découlent au fur et à mesure une définition de la féminité selon l’écrivaine :
“La féminité c’est d’abord l’intelligence (…), le courage d’aller jusqu’au bout des idées que l’on a depuis l’enfance. Dieu sait qu'[Angela Merkel] ne passe pas son temps à se demander comment elle est habillée, ne passe pas son temps à essayer de se maquiller – l’intelligence, la droiture, la croyance en ses idéaux et la détermination pour essayer d’aller jusqu’au bout. Pour moi la féminité aujourd’hui, c’est Angela Merkel.”
Une définition qui colle au personnage de Laure Adler aussi, donc, même si elle ne se dit finalement pas féminine : “Parait-il que je marche, je bois, je fume comme un garçon !”
Au delà de féminité, c’est du féminisme engagé de l’historienne que les deux femmes vont discuter tout le long de la seconde partie de l’émission. Devenue féministe “sans s’en rendre compte”, elle l’a décidé à une époque où cela était inenvisageable de laisser la parole aux hommes pour la cause féminine : elle y remédie en évoquant Pedro Almodovar et Michel Foucault dans son Dictionnaire Intime des Femmes. Un jonglage permanent entre l’homme et la femme, dans son travail et son identité. L’air de rien, dans l’émission, Laure Adler partage : “Je n’aurais pas du tout aimé être un homme. Par contre j’aurais bien aimé être un transgenre, parce qu’on est les deux à la fois.”
L’intégralité de l’émission Dans le Genre de Laure Adler à écouter ici.
{"type":"Banniere-Basse"}