Alors que l’Italie frôle une nouvelle fois le burn out, Laura Boldrini, la présidente de la Chambre des députés taille sa route. Cougar glamour passée par l’ONU et la défense des sans-papiers, elle incarne l’espoir politique au pays du bunga bunga.
C’est la routine : une fois de plus, le sort de Silvio Berlusconi focalise l’attention des médias et de la classe politique italienne. Après la confirmation cet été de sa condamnation à une peine de prison pour fraude fiscale, une commission spéciale du Sénat doit se prononcer sur son inéligibilité et la déchéance de son mandat de parlementaire. Une décision qui menace à nouveau le gouvernement de coalition d’Enrico Letta, puisque le Cavaliere assure qu’il fera sauter l’exécutif si les sénateurs décident de l’exclure. Il refuse de lâcher la botte. Mais les Italiens semblent lassés, 66 % d’entre eux souhaiteraient qu’on cesse d’évoquer à tout bout de champ le risque de chute du gouvernement, selon une étude de l’Institut Piepoli publiée cette semaine.
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En attendant, une femme fait ses premières armes à la Chambre des députés. Ultra médiatisée, elle semble déjà devenue la nouvelle icône de la gauche italienne.
Nouvel espoir féminin
Le 16 avril 2013, l’Italie découvre que le troisième homme du pays est une femme. Elue présidente du palais Montecitorio à la majorité absolue, Laura Boldrini, fringante cinquantenaire, grande inconnue des cercles politiques, prononce son premier discours. D’emblée, elle assure vouloir représenter les plus pauvres, les oubliés de la République, les écorchés, les jeunes, les femmes, les immigrés:
« J’ai passé tant d’années à défendre les droits des faibles, en Italie, dans le monde, une expérience que je mets au service de cette Chambre (…). Mes pensées vont à ceux qui ont perdu certitudes et espérances (…) Nous devrons apprendre à comprendre le monde avec le regard éveillé de celui qui vient de loin, avec l’intensité et la stupéfaction d’un enfant, avec la richesse intérieure et inexplorée d’un handicapé. »
Le ton Boldrini est donné. Elle est ovationnée par ses pairs. Une minute d’harmonie spectaculaire, dans une Italie en pleine crise politique. Tout dans l’élection de Laura Boldrini relève du miracle. « La nuit qui précédait le vote, son nom commençait à circuler dans les rédactions. Personne ne voulait y croire », commente Antonella Rampino, journaliste à La Stampa.
Pour sa consœur du quotidien La Repubblica, « Son élection à la présidence de la Chambre des députés est un inédit, un événement qui booste son CV et la vie politique italienne. Normalement, cette place est réservée aux apparatchiks, aux politiciens en fin de carrière et aux bras longs. Son élection est extraordinaire. C’est un animal étrange, cette Laura Boldrini. »
Le président du parti écologique Sinistra Ecologia Libertà (SEL – Gauche, écologie, liberté) Nichi Vendola, est le premier à flairer le potentiel de la bête. Il lui propose en février de se présenter aux élections législatives en Sicile sur la liste SEL. Jackpot, elle est élue. Ecartant Dario Franceschini, le candidat naturel à la présidence de la Chambre, le secrétaire du parti de centre gauche Partito Democratico, Pier Luigi Bersani, avance la candidature Boldrini pour la coalition « Italie. Bien commun ». Afin, dans une Italie devenant tripartite, de propulser une figure nouvelle, fédératrice, capable de séduire les rebelles du Mouvement 5 étoiles (M5S), le parti de Beppe Grillo. Les atouts de Laura Boldrini sont précieux. Issue de la société civile, elle ne trimballe aucune casserole politique. C’est une femme, glamour, qui a une expérience internationale et qui a travaillé dans l’humanitaire, après plusieurs années comme porte-parole de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Elle sait attirer les regards et attiser la sympathie.
Aux antipodes de Silvio Berlusconi, elle subjugue et irrite
Laura Boldrini s’est tout de suite fait haïr des fidèles de Berlusconi. Emblème du politiquement correct, elle concentre tout ce qu’ils honnissent. A commencer par son entêtement à défendre les sans-papiers, ses critiques acerbes du gouvernement sortant, sa détermination à être la première présidente de la Camera à participer à la Gay Pride, ses déplacements low cost, ses rugissements en faveur des femmes dans une Italie qui a été hypnotisée au rythme du bunga bunga. Sans oublier son soutien appuyé à la nouvelle ministre de l’Intégration Cécile Kyenge, originaire du Congo Kinshasa. Pour les héritiers du patriarche agonisant, Laura Boldrini incarne le diable, la figure irritante de la militante, prétentieuse, pimbêche et cougar. Quelques semaines après son intronisation, les berlusconiens n’hésiteront pas à exhiber des photos de son compagnon, de onze ans son cadet. Un petit tacle pour celle qui avait été nommée en 2009 « Italienne de l’année » par le magazine Famiglia Christiana.
Depuis la rentrée, les critiques affluent sur le style de la MILF. C’est une maîtresse d’école moralisatrice pour les uns, madame je-sais-tout s’en va-t-en guerre pour les autres. Le journaliste de La Stampa, Jacopo Iacoboni souligne mardi dernier l’esprit bien-pensant d’ « Alice au pays des merveilles ».
Prise d’une fièvre politicienne, la nouvelle présidente de la Chambre a un avis sur tout, s’autorise à donner des cours d’éducation et de civisme aux députés du M5S, s’affranchit du calendrier et convoque les députés pour une séance extraordinaire en pleines vacances parlementaires…
Infatigable, un peu trop sûre d’elle, elle agace. On commence à dire qu’elle tourne à vide. Elle doit faire ses preuves, tangibles. Même le magazine de gauche L’Espresso semait le doute cet été en titrant « Mais à vous, elle vous plaît la Boldrini ou pas ? » et poursuivait : « Elle se dépense pour les femmes, les immigrés, tous les perdants, parcourt l’Italie, visite les prisons, dénonce, attaque de front de lourdes batailles, et pourtant Laura Boldrini semble prise dans un piège : elle est là, mais elle ne perce pas. Et sans doute, elle en a conscience. »
Nouvelle pin-up, la Professoressa séduit les Italiens
Post de blogs, tweets, partages en tout genre, Laura Boldrini occupe les réseaux. Le magazine Marie Claire Italie a réalisé une enquête auprès de 700 camionneurs, âgés de 30 à 60 ans. Arrivée en toute première place du classement des femmes les plus sexy, la Présidente de la Chambre serait la reine des cabines. Un fantasme pour ces messieurs qui la jaugent « belle et intrigante, mystérieuse dans ses tailleurs qui masquent les formes. Elle n’est pas l’habituelle show girl qui ne sait pas parler ».
Mais Laura Boldrini a d’autres arguments pour toucher les Italiens. Début août elle est allée commémorer sur la place publique le massacre de Bologne survenu dans la gare en 1980, l’attentat le plus meurtrier des années de plomb italiennes. En implorant avec émotion transparence et justice, elle a conquis en une matinée les plus rétifs.
« Elle a les idées claires, elle ne s’arrêtera pas là. Je l’imagine bien ministre », souligne la journaliste de La Repubblica. Il n’empêche qu’elle n’est membre d’aucun des trois partis majoritaires. Tant qu’elle reste au SEL, son aura ne devrait pas suffire à la hisser à une place plus éminente encore. A moins qu’elle ne s’allie aux apparatchiks. Tout est possible, personne ne sait où va l’Italie.
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