Le symbole @ fait son entrée au prestigieux Moma. Cette décision relance le débat sur l’art conceptuel né dans les années 70. Peut-on faire l’acquisition d’une « oeuvre immatérielle » ?
Mais quelle mouche a piqué le MoMa de New York ? Le plus vieux musée d’art moderne au monde, crée en 1929 et réputé pour être l’un des plus exigeants sur la scène artistique internationale, vient de faire entrer dans ses collections de design le symbole @.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pas vraiment une œuvre donc, un blason plutôt, emblématique des années 2.0. Rendue publique mi mars, cette décision en a laissé plus d’un interloqué, relançant au passage les vieilles rengaines sur l’art contemporain et sa prétendue vacuité.
A l’image d’un professeur de typographie de la New School de New York, Steve Kennedy interviewé par le New York Times, qui tenait récemment ces propos mi-figue mi-raisin : « à quoi cela va-il nous mener ? Peut-être que nous nous réveillerons demain et découvrirons que le Guggenheim vient d’acquérir l’esperluette (le logogramme &) déclenchant un énorme engouement pour le point d’exclamation ou le point d’interrogation… ».
Pourtant, cette acquisition est passionnante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle rappelle les missions premières d’un musée : acquérir, préserver et conserver toute forme d’expression artistique emblématique de son époque. Ici bien sûr, la quasi simultanéité entre l’émergence du symbole @ et son acquisition participe sans doute au trouble engendré par pareille entreprise.
Ensuite parce que cette nouvelle pièce entrée dans les collections du MoMa fait étrangement écho à tout un courant de l’histoire de l’art contemporain, l’art conceptuel en général et le mouvement Art & Language en particulier.
Apparu dès le début des années 70, ce courant porté par des artistes comme Joseph Kosuth ou Lawrence Weiner, défendait l’utilisation du langage comme matériau. Dans la lignée d’une lecture anti-formaliste de l’art telle que la défendaient ces artistes conceptuels, la conservatrice en chef du département design et architecture du MoMa a d’ailleurs rappelé qu’« il n’est plus besoin de posséder physiquement un objet pour en faire l’acquisition ».
Ainsi, s’il est désormais dépositaire de cette « œuvre immatérielle », le musée n’acquiert pas pour autant la propriété intellectuelle du arobase qui reste dans le domaine public et continuera d’irriguer les millions de mails qui circulent tous les jours.
{"type":"Banniere-Basse"}