Depuis le 1er janvier 2011, le ministère saoudien de l’Information et de la Culture (MOCI) a rendu public les dispositions d’une loi qui soumettra bientôt les blogueurs à son contrôle. Déjà considéré comme ennemi d’Internet par Reporters sans frontières (RSF), Riyad franchit une nouvelle étape dans ses atteintes à la liberté d’expression.
« It’s finally here« . Ainsi commence le long post de Ahmed Al-Omran, étudiant et blogueur saoudien de 26 ans, à propos de l’annonce –le 1er janvier 2011– d’une nouvelle loi saoudienne sur les médias en ligne. Aucunement surpris, il tient à remercier le ministère de l’Information et de la Culture (MOCI) « qui – avec cette loi – a su exactement comment nous voulions entamer la seconde décennie du XXIème siècle« …
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Ahmed Al-Omran ironise ainsi sur les nouvelles dispositions législatives prises par le gouvernement saoudien pour le contrôle d’Internet. Dorénavant, pour publier du contenu, les médias en ligne –sites Internet et plates-formes diffusant du matériel audio ou vidéo (blog, chat, forum,…)– devront obtenir du MOCI une licence valable trois ans.
Les conditions de son obtention sont drastiques : avoir plus de 20 ans, détenir la nationalité saoudienne, être titulaire d’un diplôme équivalent au baccalauréat, fournir des documents « attestant de sa bonne conduite« … Tous ces médias doivent également fournir le nom de l’hébergeur, ce qui permet –en cas de besoin– de supprimer le site et son contenu partout dans le monde.
Cette loi ne devrait plus tarder à être publiée au journal officiel bien qu’un « léger détail » ait perturbé son entrée en vigueur. Une disposition prévoyait que le MOCI approuve directement le rédacteur en chef de tous les journaux électroniques. Face au tollé général engendré par ce point, le gouvernement s’est engagé à remplacer cette mesure par une « simple déclaration » d’identité de l’éditeur auprès du ministère.
Un expert des médias de la péninsule arabique, basé à Bahreïn, attire l’attention des Inrocks sur deux points qui, selon lui, pourraient évoluer : la loi concerne pour le moment les « news » blogs (ceux qui parle de politique, religion, de sexe…) et le fait que l’enregistrement de l’identité des blogueurs soit optionnel.
Il y a quelques mois, dans un article du Monde, Abdoulrahman Al-Halazza, responsable des médias nationaux au MOCI démentait, au nom du Royaume saoudien, toute intention de forcer blogueurs et modérateurs de forums à s’enregistrer auprès du ministère pour « exercer ».
« Nous n’avons pas l’intention d’exiger une licence pour eux. Il y en a tellement que nous ne pouvons pas les contrôler. Ce n’est pas obligatoire et ce n’est pas prévu ».
La nouvelle loi contredit en partie ses propos en précisant que les blogueurs pourront s’identifier « s’ils le souhaitent« . Dans son analyse, le blogueur Ahmed Al-Omran écrit « si je comprend correctement, cette distinction ne veut strictement rien dire puisque, que l’on s’enregistre ou non, nous sommes tous soumis à cette nouvelle loi« .
Pour les quelques 10 millions d’internautes recensés dans le pays en 2010 –sur environ 29 millions d’habitants– Reporters sans frontières (RSF) n’en dénonce pas moins, dans un article du 8 janvier dernier, des mesures liberticides.
« C’est un moyen pour renforcer la censure sur le Net, déjà particulièrement dure en Arabie saoudite, alors que la toile était jusqu’à maintenant un espace d’expression inédit dans le pays ».
En contact avec nombre de blogueurs saoudiens anonymes, Lucie Morillon, responsable du bureau nouveau média à RSF, précise aux Inrocks l’état de la situation sur place.
« En Arabie saoudite, la censure est dure mais au moins elle est assumée. Il y a deux ans, le gouvernement se vantait de bloquer près de 400 000 sites. Le blocage saoudien sur Internet est bête et méchant. Ceux qui savent s’informer parviennent à le contourner, en revanche, pour la population de base, la censure fonctionne. »
D’après Lucie Morillon, une particularité propre à la monarchie saoudienne est que 50% des blogueurs sont en réalité des blogueuses. En septembre dernier, Eman Al Nafjan, mère de trois enfants et blogueuse sur Saudiwoman’s, s’interrogeait justement sur les conséquences possibles d’une telle loi.
« Nos libertés ne sont-elles pas déjà assez tenues en lisière ? Dois-je tout faire vérifier par le ministère avant de le mettre en ligne ? Sommes nous aussi supposés enregistrer nos comptes Facebook et Twitter ? »
Et bien justement, il y a trois jours, le site Global Voices affirmait qu’en Arabie saoudite « des militants des droits de l’homme ont été sommés de se taire sur Twitter« …
Geoffrey Le Guilcher
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