En exil de la télé, le philosophe-chroniqueur Ollivier Pourriol raconte sa vie de potiche au Grand Journal.
S’adressant à Christine Boutin en l’appelant « madame Boudin », Ollivier Pourriol offrit sa meilleure prestation au Grand Journal : un magistral lapsus masquant le vide d’une parole, une performance télévisuelle uniquement indexée sur un rêve de comédie. Cette anecdote racontée par le fautif dans son livre On/Off révèle la tartufferie de son exercice de chroniqueur culturel dans l’émission avec laquelle il règle ses comptes, en en faisant un conte. « Intello de service très peu servi », « homme invisible de l’émission, jamais dans le cadre », Pourriol eut la vanité de croire qu’il suffisait d’avoir lu Kant pour se faire entendre sur un plateau.
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Oscillant entre une désarmante sincérité et un pur cynisme, cet exercice de contrition contrariée ne révèle rien de neuf sur la télévision. Les aigris et les rincés comme l’auteur (mentalement et financièrement) ne cessent de rappeler que cette machine lave plus le cerveau qu’elle ne l’élève. Soit. Mais n’est-ce pas un peu court ? Là où Pourriol touche juste, c’est lorsqu’il met à nu, de l’intérieur de la machine mais aussi de son propre corps, les marques de son humiliation : être obligé de porter des chemises trop serrées dans lesquelles il étouffe, entendre dans son oreillette qu’il doit fermer sa gueule, traîner une fatigue permanente…
Dévoré par la télé de divertissement, Ollivier Pourriol fut une potiche comme une autre, ni plus ni moins. Exilé de la scène, il sait désormais que si les philosophes créent des concepts, les musiciens des affects, les écrivains des « percepts » (cf. Deleuze), la télé « crée de l’inepte ». Son passage au Grand Journal lui aura au moins fourni le plaisir d’une formule qui fait mouche… et pschitt.
Jean-Marie Durand
On/Off – Comédie (Nil éditions, 354 pages, 19 €)
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