L’image de cette femme menaçant de se jeter du troisième étage d’un immeuble d’Athènes a fait le tour du monde.
1. Lambrousi Harikleia, nouvelle héroïne de la tragédie grecque
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C’est sans aucun doute l’une des images les plus fortes de l’actualité de ce début d’année 2012. Celle de cette femme grecque en larmes, Lambrousi Harikleia, âgée de 47 ans, mère de famille, qui menace, assise au bord du précipice, les jambes dans le vide, de se suicider en se jetant du troisième étage d’un bâtiment qui abrite l’OEK – un organisme de logement où elle travaille depuis plus de vingt ans (au poste d’ingénieur civil). Après avoir appris l’annonce de la fermeture prochaine de l’OEK, celle-ci est restée prostrée, pendant plus de cinq heures, assise au bord du vide, transie de froid. En apprenant la fermeture de l’office HLM et la perte de son emploi, elle sait qu’elle ne pourra pas payer les soins de son fils cadet atteint d’une très grave maladie orpheline. Son mari, salarié lui aussi de l’OEK, est d’abord venu s’asseoir à ses côtés pour tenter de la convaincre de rentrer à l’intérieur du bâtiment, pendant de longues minutes. On lui a ensuite conseillé de rentrer lui aussi, et c’est après s’être entretenue avec plusieurs collègues que cette femme a accepté de quitter sa position très inconfortable, saisissant une main qui lui était tendue, laissant flotter derrière elle, sur la façade de l’immeuble abritant l’OEK, une immense bannière jaune signifiant l’occupation des lieux.
2. Tout un pays au bord du précipice
Cette image, c’est aussi celle de tout un peuple qui, depuis maintenant près de dix-huit mois, est frappé par les licenciements et les baisses de salaire, et qui subit des plans d’austérité successifs. On peut y voir un pays tout entier au bord de la crise de nerfs. Lambrousi Harikleia n’est ni Mohamed Bouazizi, le héros de la révolution tunisienne qui s’était immolé par le feu, ni le Chinois héroïque qui avait défié les chars de Tienanmen, mais par son geste elle incarne à elle seule le mal-être d’une nation qui ne se remet pas de sa banqueroute. En Grèce, le taux de chômage a désormais presque atteint les 21% et les situations désespérées comme celle-ci sont aujourd’hui monnaie courante (sans mauvais jeu de mots). Avant la crise, le taux de suicide en Grèce était le plus bas d’Europe. Il a désormais doublé, et depuis le début de l’année 2012, aurait encore progressé de près de 40%.
3. Quel avenir pour la Grèce ?
Lambrousi Harikleia a décidé de ne pas sauter de son troisième étage, mais la Grèce n’est pas sortie d’affaire pour autant, et son avenir semble encore assez sombre. La semaine passée, à Athènes, ce sont plusieurs milliers de personnes qui ont encore manifesté contre les mesures d’austérité qui accompagnent les exigences des bailleurs de fonds de la Grèce en échange d’un prêt de 130 milliards qui lui a été accordé. En toute fin de semaine, le gouvernement grec a lancé une opération financière inédite visant à effacer 107 milliards d’euros de la dette du pays. Ce plan consiste en un échange des obligations détenues par les créanciers privés de la Grèce : banques, sociétés d’assurance ou fonds d’investissement. Si ce plan s’avère payant (hmmm), Lambrousi Harikleia restera peut-être celle qui aura incarné le revirement dans ce que l’on pourra appeler, comme Jean-Luc Godard, pour justifier son absence au Festival de Cannes en 2010, un “problème de type grec”.
Pierre Siankowski
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