Depuis son lit d’hôpital en Haute-Savoie, l’alpiniste française Elisabeth Revol s’est exprimée pour la première fois sur son sauvetage sur le Nanga Parbat (Pakistan).
Partie à la conquête du neuvième sommet le plus élevé du monde, Elisabeth Revol a bien failli ne jamais en revenir. Elle a été secourue le 27 janvier dernier sur les flancs de la montagne du Nanga Parbat, au nord du Pakistan. Son compagnon de cordée, Tomek Mackiewicz, un Polonais âgé de 42 ans, ne fut pas aussi chanceux. Il est pour l’heure porté disparu, mais la « montagne tueuse » a probablement fait une nouvelle victime.
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L’expédition commence le 20 janvier. Elisabeth Revol et Tomek Mackiewicz décident de tenter une nouvelle fois l’ascension de ce sommet himalayen qui culmine à 8125 mètres. En effet, les deux partenaires avaient déjà essayé à plusieurs reprises de l’escalader, mais sans parvenir à dépasser les 7500 mètres. Cette fois-ci, ils arrivent jusqu’au sommet. La redescente fut par contre bien plus compliquée. L’alpiniste polonais n’est plus capable d’avancer, il souffre de graves gelures et de cécité des neiges. L’alerte est donnée. « Là, Tomek me dit ‘je ne vois plus rien’. Il n’avait pas utilisé de masque car il y avait un petit voile pendant la journée et à la tombée de la nuit, il a eu une ophtalmie (une inflammation de l’œil). On n’a pas pris une seconde au sommet. C’était la fuite vers le bas », témoigne pour la première fois Elisabeth Revol à l’AFP depuis un hôpital spécialisé en Haute-Savoie où elle est soignée pour ses gelures afin d’éviter une opération.
« Moi je suis obligée de descendre, ils vont venir te récupérer »
L’alpiniste française ne parvient pas longtemps à descendre son coéquipier. « Il avait du sang qui coulait en permanence de sa bouche ». Elle décide alors de l’installer dans une tente et de continuer la route seule, à la recherche des secours. Avant de partir, elle adresse quelques mots à Tomek, loin d’imaginer que ce serait les derniers. « Ecoute, les hélicos arrivent en fin d’après-midi, moi je suis obligée de descendre, ils vont venir te récupérer ». Elle poursuit : « On m’a dit : ‘Si tu descends à 6 000 m, on peut te récupérer et on peut récupérer Tomek à 7 200 m (en hélicoptère)’. Ça s’est fait comme ça. Ce n’est pas une décision que j’ai choisie, mais qui m’a été imposée. »
L’alpiniste raconte ensuite les difficultés qu’elle a rencontré lors de la descente : « j’ai du passer une nuit à l’extérieur sans équipement, sans tente, sans duvet, sans nourriture, sans rien. Simplement avec ma combi. » Abritée dans un trou, grelottant, elle est alors victime d’hallucinations, dues à l’altitude. « J’imaginais qu’il y avait des personnes qui m’amenaient du thé chaud, des bouteilles d’eau chaude. Pour remercier cette personne, il y a une dame qui me dit : ‘je peux prendre ta chaussure ? Parce que je t’ai amené quelque chose de chaud, maintenant tu te sens mieux alors est-ce que je peux prendre ta chaussure ?’ A ce moment là, machinalement j’enlève ma chaussure et je lui la donne. » Pleine d’incompréhension le lendemain matin, elle se retrouve simplement en chaussette, avec sa chaussure tombée dans la crevasse. Elle passe alors le pied à l’air pendant cinq heures, ce qui lui cause de fortes gelures.
Une question de survie
Voulant se préserver, Elisabeth Revol décide alors de ne pas bouger et d’attendre l’hélicoptère, mais elle apprend qu’il ne pourra venir que le lendemain. Elle choisit alors de continuer à descendre, afin de ne pas passer une troisième nuit dehors. « Ça commençait à être une question de survie ».
« Je descendais calmement, quand il y avait trop de vent, je m’isolais contre un rocher, j’attendais un petit peu puis je continuais ma descente. J’ai atteint le camp deux dans la nuit et là j’ai vu deux frontales qui arrivaient. J’ai commencé à hurler et je me suis dit : c’est bon », raconte-t-elle très émue. Deux sauveteurs polonais étaient partis à sa recherche. Ils ont ainsi pu la ramener saine et sauve.
Cette mésaventure ne décourage pas pour autant l’enseignante d’EPS dans la Drôme. Elle confesse son envie de, déjà, repartir. « C’est tellement beau », affirme-t-elle.
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