En Allemagne, poster les photos de nos plats commandés au restaurant serait une violation des droits d’auteur des chefs cuisiniers. Les amateurs de food porn pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires. Légitime ou pas? Partout dans le monde, il est coutume de voir des clients prendre une photo de leur plat quand celui-ci arrive sur […]
En Allemagne, poster les photos de nos plats commandés au restaurant serait une violation des droits d’auteur des chefs cuisiniers. Les amateurs de food porn pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires. Légitime ou pas?
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Partout dans le monde, il est coutume de voir des clients prendre une photo de leur plat quand celui-ci arrive sur la table, pour instantanément le partager sur les réseaux sociaux. Mais en Allemagne, photographier ses plats dans le but de les instagrammer pourrait coûter cher aux amoureux de food porn. Une loi dispose que le travail des chefs cuisiniers est soumis à des droits d’auteurs, et que ces derniers sont donc en mesure de décider si oui ou non, ils souhaitent que leurs oeuvres soient diffusées sur les réseaux sociaux. Les clients peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires. Ceci concerne en majorité les restaurants étoilés, le plat réalisé par le chef possédant quasiment le statut d’oeuvre d’art.
Les plats, oeuvres d’art avec droits d’auteur?
Le quotidien Die Welt rapporte que selon la loi, si un client d’un restaurant prend son plat en photo et la poste sur les réseaux sociaux, cela porterait atteinte aux droits d’auteur dont jouit le chef cuisinier. Dans les restaurants gastronomiques ou étoilés, les plats sont considérés comme une oeuvre d’art, un travail élaboré. La cour fédérale de justice en Allemagne a étendu le copyright à un plat minutieusement agencé découlant d’une « création artistique qui entend propriété artistique ». Toute personne qui souhaiterait photographier son plat devrait demander l’autorisation du chef. L’avocat Niklas Haberkamm explique au journal: « le créateur du travail a le droit de décider où et de quelle manière son travail peut être diffusé ou reproduit ». Uniquement les restaurants gastronomiques sont donc concernés.
Contacté par Les Inrocks, Alexandre Gauthier, grand chef du restaurant La Grenouillère, reste mesuré quant à la loi allemande. Dans son restaurant, il a décidé d’afficher des pancartes afin de dissuader ses clients de prendre des photos dans le but de les poster sur les réseaux sociaux. Le chef ne se prononce pas fondamentalement contre le foodporn, mais voudrait seulement éviter que les clients passent une grande partie de leur dîner scotchés à leur smartphone: « c’est ça qui est agaçant, de voir que les clients passent le plus clair de leur temps à checker le nombre de likes et répondre aux commentaires ». Dépenser plusieurs centaines d’euros pour un dîner et ne pas profiter du moment présent, c’est surtout « dommage pour le client », constate Alexandre Gauthier.
Il déplore: « La mémoire digitale prend le dessus sur la mémoire sensorielle. C’est quand même bête de dépenser plusieurs centaines d’euros pour un dîner et ne pas profiter du moment présent ». La magie disparaît si l’on connaît déjà tout du décor.« Dans ce genre de cas, on consomme tout en avance, et c’est bien dommage ».
Caprice des chefs?
Même s’il ne s’agit « que » de nourriture, la question de la propriété intellectuelle se pose. « On peut penser à un caprice des chefs, mais c’est une réelle question », analyse Alexandre Gauthier. Dans des domaines tels que l’art contemporain ou la haute couture, c’est pareil. Dans la haute couture, une collection, qui a nécessité des mois de travail, n’est pas montrée avant le « jour J ». Quand un designer lance une gamme de produits, qui est le fruit de longues recherches, et que les enseignes de la fast fashion copient, personne ne sache – ni se soucie- – d’où vient la tendance. De même, relève Alexandre, un chef cuisinier dont l’équipe dévouée fournit un grand travail est naturellement « frustré » si sa recette directement livrée à des milliers d’internautes, et que « tout le monde suit tout le monde ». Il prend l’exemple du fondant au chocolat de Michel Bras, repris depuis des années par les grands supermarchés, sans que le nom de sa recette soit mentionné. Même si les processus de création ne sont pas les mêmes, certains grands chefs veulent limiter ce côté « viral » et éviter de se faire piquer leurs idées de recettes.
Instagram, excellente publicité pour les restaurants
Tout est posté et récupéré à une vitesse folle sur internet, avec des réseaux sociaux de plus en plus influents. Il ne faut pas oublier que ce sont ces utilisateurs qui font et défont la réputation d’un produit ou d’un lieu. De nombreux restaurants ont connu un succès fulgurant grâce au food porn et à Instagram. L’interdiction de poster des photos pourrait donc porter préjudice à certains restaurants.
Pour le moment, aucun chef n’a déposé plainte contre un client, rapporte Die Welt. Si c’est le cas, l’instagrammeur pourrait être obligé de payer une amende allant jusqu’à quelques centaines d’euros.
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