La politique de l’accueil des migrants prônée par Angela Merkel est de plus en plus contestée outre-Rhin.
En août 2015, alors que des milliers de migrants affluent en Allemagne, la chancelière Angela Merkel lance son désormais célèbre « Wir schaffen das », « Nous allons réussir ça« . La nation toute entière avait pris position : d’un côté les partisans de la politique d’accueil généreuse de la chancelière, de l’autre les sceptiques, dont un nombre croissant de citoyens dits » inquiets », les « Besorgte Bürger » du mouvement Pegida, et les adhérents au mouvement populiste AfD (Alternativ für Deutschland). L’assurance tranquille d’Angela Merkel avait convaincu des milliers d’Allemands que cette politique d’accueil était une chance, et ne serait pas dommageable au pays. Parant au plus pressé, il s’agissait de gérer l’arrivée de près d’un million de demandeurs d’asile.
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3500 attaques d‘extrême-droite en 2016
Dans tout le pays, des centres d’accueil d’urgence ont été créés, mais si la bonne volonté évidente de milliers de volontaires a été saluée et a rendu possible, en un temps record, la mise en place d’infrastructures d’accueil, une partie de la population a également très mal vécu le fait d’être mise devant le fait accompli. Dans les grandes villes, où beaucoup de ces infrastructures ont été développées, la réticence de certains à l’accueil des demandeurs d’asile est certes présente, mais elle est moins notable que dans les agglomérations de taille moyenne et les villages, où l’hostilité d’une partie des habitants est plus visible.
Dans le Brandebourg, région entourant Berlin, les délits commis par des mouvances d’extrême-droite ont augmenté de 76% en 2015, par rapport à 2014. Plusieurs villages sont ainsi devenus tristement célèbres, comme Nauen, une bourgade de 11000 habitants située à environ 40 kilomètres à l’Ouest de Berlin, où une série d’actions violentes dirigées par des groupuscules d’extrême-droite a ponctué l’année passée : bureau du parti de la Gauche saccagés, conseil municipal interrompu, supermarché et voitures brûlés. Ces attaques ne sont pas isolées : au niveau national, au cours du premier trimestre 2016, près de 3500 attaques d‘extrême-droite, auxquelles s’ajoutent aussi 150 attaques antisémites, ont été recensées. Des centres d’accueil pour réfugiés sont incendiés, et les violences à caractère raciste se multiplient.
Une lente intégration
Du côté des partisans de la « Willkommenskultur », la culture de l’accueil, l’optimisme des débuts a laissé place au découragement et aux interrogations : entre difficultés organisationnelles et lenteurs administratives, les rouages du système d’accueil sont grippés et rendent difficile l’intégration et le retour à la vie normale des migrants. Parqués pendant des mois dans des centres d’accueil, handicapés par leur situation incertaine en Allemagne, par des traumatismes inhérents à leur vie dans des pays ravagés par la guerre, et par le fossé culturel et linguistique qui les sépare encore de leur environnement, les demandeurs d’asile ne s’intègrent que lentement à la communauté hôte.
Le pire pour Angela Merkel
Alors que la politique d’Angela Merkel est déjà mise à mal, ce qui pouvait le plus discréditer la chancelière s’est produit la semaine passée : trois des attaques ont été le fait de demandeurs d’asile, arrivés en Allemagne avant le grand élan d’accueil initié l’an passé. Deux d’entre eux se réclament de l’organisation Etat Islamique. Déjà hostiles à la politique migratoire en place, les mouvements populistes trouvent dans ces attaques une justification de leurs prises de position xénophobes et réclament la démission du gouvernement. En même temps, cette succession d’attaques fait réaliser à la population toute entière qu’elle n’est plus épargnée par la menace terroriste.
Le ministre fédéral de l’Intérieur, Thomas de Maizières, a mis en garde contre la tentation de l’amalgame entre demandeurs d’asile et terroristes. Il a rappelé lundi que: « Ces actions sont des cas isolés, et ne reflètent pas les centaines de milliers de personnes arrivées sur le territoire« .
Une double menace
De même, la porte-parole adjointe du gouvernement, Ulrike Demmer, a rappelé la semaine dernière que le risque criminel au sein de la communauté réfugiée n’est proportionnellement pas plus élevé qu’il ne l’est dans le reste de la population. Cependant, même au sein de la majorité, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les erreurs du gouvernement. Horst Seehofer, le ministre-président CSU (parti allié du CDU de la chancelière) de Bavière, région la plus durement touchée par les attaques, a réclamé plus de moyens non seulement pour lutter contre le terrorisme sur le sol allemand, mais aussi pour gérer cet afflux sans précédent de migrants et rendre possible un meilleur suivi des arrivants dans le pays, afin d’éviter de nouvelles tragédies.
Reste qu’au sentiment qu’un monstre, celui du terrorisme, vient de s’éveiller en Allemagne, s’ajoute le spectre de la montée en puissance de l’extrême-droite, dont le discours populiste rallie de plus en plus de gens découragés par la politique d’accueil et choqués par cette vague de violence sans précédent.
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