Ce 5 avril, en déplacement au CHU de Rouen, Emmanuel Macron a été pris à partie par Valérie Foissey, une aide-soignante militante à Lutte Ouvrière et à la CGT. Il lui a répondu qu’il n’y avait “pas d’argent magique”.
L’échange a été largement relayé. Lors d’une visité dédiée à l’autisme à l’hôpital de Rouen, Emmanuel Macron a été pris à partie par Valérie Foissey, aide-soignante dans ce CHU depuis 2005, militante à Lutte Ouvrière et à la CGT. Alors qu’elle dénonçait le manque de moyens, il lui a répondu qu’il ne pouvait rien faire en raison de la dette publique : “Il n’y a pas d’argent magique”. Elle explique pour Les Inrocks les raisons de sa colère.
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Pourquoi avez-vous refusé de serrer la main d’Emmanuel Macron lors de son déplacement au CHU de Rouen ?
Valérie Foissey – Parce que c’est le responsable de la situation actuelle. C’est lui qui d’une main désorganise l’hôpital, décide des restrictions budgétaires dans les services publics, et de l’autre baisse l’impôt sur les grandes fortunes et met en place le CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, un avantage fiscal au bénéfice des entreprises, ndlr]. Je suis en désaccord avec cette politique. Pour moi, c’est un ennemi de classe. C’est le président des riches. C’est pour cela que je ne lui sers pas la main. Je voulais montrer que tout le monde n’est pas en admiration devant lui, des tas de gens ne sont pas d’accord avec sa politique. Mais à ses yeux, on ne comprend rien, il faut qu’on reste à notre place.
Vous lui avez dit que vous souhaitiez bien travailler, mais que vous n’en aviez pas les moyens. Il vous a alors répondu qu’il n’y avait pas “d’argent magique”. Est-ce audible pour vous ?
Non, pas du tout. Il dit qu’il n’y a pas d’argent magique, et pourtant, il y en a pour le CICE et pour supprimer l’ISF ! Ça me met en colère. Il n’y a jamais d’argent pour le monde du travail, pour les salaires, pour les retraites, pour les cheminots ! Tout ce qu’on trouve à nous dire, c’est qu’on coûte cher, alors que nous faisons tourner le pays. Pour les riches par contre, il n’y a pas de problème. Ça me révolte.
Il nous parle d’“argent magique”, comme si nous étions des demeurés. On sait bien que l’argent n’est pas magique : on va le gagner tous les jours en se levant à 5h du matin ! C’est un peu insultant comme façon de nous parler.
Vous avez aussi déclaré ne pas être “contre le modernisme”. Vous avez l’impression d’être pris pour des freins aux réformes, des archaïques ?
Tout à fait. Or je ne suis pas contre les évolutions technologiques et scientifiques, mais il faut que ça serve à tout le monde. Il faut que tout le monde ait accès aux soins, aux écoles, à tout. Et que ça ne devienne pas une excuse pour supprimer des emplois. Nous, on manque de bras, et on vient nous dire qu’il faut se “moderniser”. C’est incohérent.
Quelle est la situation de l’hôpital au quotidien ?
Au quotidien, il manque des aides-soignantes, des infirmières, des ASH (agents des services hospitaliers), des techniciens… Quand des collègues partent en congé maternité, il en faut quatre pour avoir une remplaçante. Les autres ne peuvent pas poser leurs vacances. Tous les jours il faut se bagarrer. C’est ça la réalité. Le Centre hospitalier de psychiatrie dans la région entasse les patients, il y a des chaises pour les faire dormir parce qu’il n’ya pas assez de lits. On a un service public qui n’est même plus capable d’accueillir le public. C’est grave.
Vous lui avez également dit que de nombreux salariés étaient mécontents dans le pays. Ce à quoi il a répliqué, énervé, qu’il n’était pas d’accord. Vous en pensez quoi ?
(rire) Qu’il n’en est pas à un mensonge près ! Il se passe des choses partout: dans les facs, chez les cheminots, dans plein d’entreprises privées. A Renault ils ont baissé les primes des salariés pour augmenter les dividendes des actionnaires. La même chose à Carrefour. Les attaques sont incessantes, et elles vont toujours dans le même sens : au profit du grand patronat, des actionnaires, et au détriment du monde du travail.
A la fin de votre échange, il vous reproche de ne pas avoir fait preuve de courtoisie, et vous lui répondez : “Je suis là tous les jours à 5h du matin pour ces gens là”.
C’était gonflé quand même ! Il est en représentation, il vient faire sa propagande, ses annonces, sa publicité : très bien. Mais nous, on est là tous les jours, on se démène, on fait en sorte que ça fonctionne, on fait de belles choses et on veut continuer à les faire. Mais pour ça, il nous faut des moyens. Ce sont deux visions du monde du travail.
Propos recueillis par Mathieu Dejean
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