Mettant en scène les – vrais – anciens communicants de campagne de Jean-Luc Mélenchon, une websérie française tente le pari de mêler fiction et réalité, personnages réels et acteurs dans un joyeux brouhaha. Le résultat, « l’Agence », est à voir en ligne.
Imaginez le quotidien d’une agence de com’ parisienne. Ok ? Bon, maintenant, imaginez que cette agence décide de filmer ce quotidien et d’en faire une websérie ? Vous suivez toujours ? Bravo ! Imaginez qu’en fait, cette websérie soit une fiction créée par une véritable agence de com’ pour se moquer des agences de com’… Je vous ai perdu ? Pourtant, c’est ce que propose l’Agence, une websérie de six épisode disponible dans le cadre des chaines originales YouTube.
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Au départ, l’Agence, c’est une équipe de communicants, associés en coopérative, qui décident de faire une fiction. Après avoir géré la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, Arnauld Champremier-Trigano et son équipe, Médiascop, avaient envie de faire autre chose. Un fiction donc, plutôt drôle, et en prenant pour exemple une boite de com’.
Jusque là tout est simple. Sauf que dans cette fiction, le personnage principal s’appelle Arnauld, et est interprété par Arnauld Champremier-Trigano. Et à l’exception de deux acteurs (à vous de découvrir qui), chacun interprète son propre rôle dans la websérie. Avec bien entendu une écriture faite pour correspondre à l’aisance face caméra de chacun : on a ainsi un personnage quasi-muet qui s’exprime par Facebook, mails et autres tweets.
« Pendant un an, ils ont géré la communication d’un candidat à la présidentielle. Ils ont réuni des milliers de personnes, enflammé la toile, passionné les médias. Rien ne leur était impossible. Aujourd’hui, ils sont bien décidés à faire parler d’eux et décrocher un premier contrat ».
Dès le générique, la (vraie) voix de Serge Moati plante le décor. Distinguer le vrai du faux sera difficile, voire impossible. Et il faut s’extirper cette idée de la tête, car les maux de crâne sont assurés. Qu’est-ce qui est vrai? Qu’est-ce qui est faux? Un peu comme si on se savait bloqué dans la Matrice sans en être tout à fait certain.
Même procédé narratif que Platane
« Il y avait une grosse part de risque, admet Arnauld Champremier-Trigano, dont Libération dressait le portrait en avril 2012, mais la dimension auto-dérision a pris le pas sur le danger à se mettre en scène ainsi« . Danger, car c’est lui, communicant et membre de Médiascop, qui « passe pour un con » à l’écran. Et si les gens ne parviennent pas à comprendre qu’il s’agit de second (voire troisième) degré, c’est sa réputation IRL (in real life) qui est en jeu.
Et apparemment, si environ deux tiers des quelques 100 000 personnes ayant déjà visionné les six épisodes de l’Agence en ont compris l’humour, le dernier tiers est très troublé, confient les auteurs. Ils ont du mal à se détacher de la réalité, à franchir le pas et à adhérer au projet.
Ce système narratif importé du monde anglo-saxon a par exemple été testé en France par la série Platane, ou Eric Judor (d’Eric et Ramzy) joue son propre rôle dans une histoire fictive. Et le faux-documentaire, ou mockumentaire, est très présent dans les séries américaines, comme par exemple The Office ou Parks and recreation.
Et si l’Agence est une fiction, produite par Capa TV avec le soutien du CNC, les interrogations que se posent les membres de cette agence de com’ sont bien réelles. Savoir par exemple si on peut accepter moralement de travailler pour un pays comme le Qatar si un chèque tombe à la fin. Se vendre ou ne pas se vendre, telle est la question !
Dans la série, possédant les intonations et certaines mimiques d’Edouard Baer, et un « charisme à l’épreuve des balles » (de ping pong probablement) selon ses propres termes, Arnauld incarne les louvoiements que doivent traverser les patrons de boites de com’. Et il s’en sort en général d’une citation bien sentie, mais absolument hors contexte.
Mise en abyme au carré
Histoire d’achever de nous perturber, les auteurs de la websérie (IZM, auteur des Lascars et Sarah Tissandier, qui a écrit pour Scènes de ménage) tentent, sur un épisode entier, de faire du placement de produit dans un épisode consacré au placement de produit. Une mise en abyme au carré, quoi. Bon, « la pate à tartiner concurrente démarchée n’a pas marché dans la combine », explique Arnauld Champremier-Trigano, du coup ils se retrouvent à « placer » la marque à laquelle un jour de l’année est consacré.
Le monde de la com’, pourtant critiqué, a pris avec le sourire cette satire de leurs pratiques. Et comme eux, laissons les analyses sur le divan du psy, et prenons l’Agence pour ce qu’elle est: une websérie de fiction rigolotte qui dénonce le monde de la com’.
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