Un plan de sauvetage chypriote, une référence cinématographique, un discours taxé d’antisémitisme, un ministre dans le viseur… Parce que dans ce type de polémique à tiroirs on s’y perd toujours un peu, retour sur l’affaire en 5 points.
1) Le plan de sauvetage chypriote
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Le tout tout premier épisode de l’affaire Moscovici-Mélenchon se passe dans le bassin méditerranéen, sur la petite île de Chypre, très touchée par la crise. Le 17 mars est dévoilé un premier plan européen de sauvetage, qui prévoit de taxer les comptes inférieurs à 100 000 euros à hauteur de 6,75% et ceux au-dessus à hauteur de 9%. Ni une ni deux, les Chypriotes se ruent sur les distributeurs bancaires pour retirer tout leur argent. Invité de l’émission C Politique, Jean-Luc Mélenchon déclare :
« Chypre entre en enfer comme les Grecs, il va leur arriver maintenant malheur sur malheur et ça ne servira à rien. Une fois de plus on va assortir une aide, d’un plan d’austérité pour mettre en équilibre les dépenses et les recettes, comme on va mettre en équilibre on va faire l’austérité et comme on va faire l’austérité il y aura moins de rentrées et plus de déficit, et donc on va recommencer. »
Dans la nuit du 24 au 25 mars, l’idée de taxer tous les dépôts bancaires est abandonnée. À la place, la deuxième banque du pays, Laiki, va être fermée, et les détenteurs d’actions, d’obligations et de dépôts supérieurs à 100 000 euros vont subir des pertes, chiffrées entre 40% et 60%.
2) Les « 17 salopards »
Le samedi 23 mars au matin, avant que l’accord final ne soit trouvé, lors du Congrès du Parti de gauche à Bordeaux, son secrétaire général, François Delapierre, traite les dix-sept ministres des Finances de la zone euro de « salopards » et y inclue Pierre Moscovici, alors qu’une réunion des ministres des Finances de la zone euro a été convoquée le lendemain pour régler la question chypriote : « Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s’appelle Pierre Moscovici et il est membre du Parti socialiste« . Comme le souligne Romain Ducoulombier, historien spécialiste du Parti communiste dans une interview publiée sur le site des Inrocks, Delapierre fait ici évidemment référence au film Les douze salopards de Robert Aldrich (1967) qui raconte l’histoire de douze criminels acceptant une mission quasi suicidaire (pénétrer dans un château où sont installés des généraux nazis et en massacrer le plus possible) contre leur amnistie. Le point Godwin est touché.
3) La « finance internationale »
Interrogé sur la déclaration de Delapierre par des journalistes le même jour, Jean-luc Mélenchon, co-président du parti, qualifie le comportement de Moscovici d' »irresponsable », précisant que c’est « un comportement de quelqu’un qui ne pense pas français, qui pense finance internationale », selon une dépêche d’AFP.
4) Accusations d' »antisémitisime »
Le problème c’est que Pierre Moscovici est d’origine juive. Or, depuis la fin du XIXe siècle, la théorie du complot antisémite – sur laquelle s’appuyait, entre autres, Hitler – vise à représenter le Juif comme quelqu’un cherchant à dominer le monde, notamment via la finance. Harlem Désir, secrétaire général du Parti socialiste, dénonce le 23 mars un « vocabulaire des années 30 que l’on ne pensait plus entendre de la bouche d’un républicain et encore moins d’un dirigeant de gauche« . La référence à la montée du nazisme et de l’extrême-droite en Europe est claire. Les déclarations de politiques condamnant les propos de Mélenchon se multiplient tout le week-end. Invité de Dimanche+ sur Canal+ le 24 mars, Moscovici estime que Mélenchon « est en train, par détestation de la social-démocratie, par détestation du parti socialiste, de franchir « certaines bornes« . (…) Il y a des choses auxquelles on ne touche pas » et affirme « je suis Français par tous mes pores et je ne raisonne pas finance internationale« .
Le 24 mars, lors du meeting de clôture du Congrès du parti, Mélenchon revient sur la polémique, qui ne cesse d’enfler : « j’ignorais quelle était la religion de Pierre Moscovici et je n’ai pas l’intention d’en tenir compte dans l’avenir, pas davantage que dans le passé« . Il tempère en ajoutant : « Mais si un jour, parce qu’il est juif, [Moscovici était menacé], il nous trouverait tous, comme un seul corps, pour le défendre« , et en profite pour qualifier les propos d’Harlem Désir de « très offensants et humainement spécialement blessants de la part de quelqu’un qui a milité avec moi pendant des années« . Pour lui, le dirigeant du PS « ferait bien de nous dire ce que pense le PS du vote des ministres français sur Chypre« .
5) AFP VS Politis, et dénouement
Certains journalistes connus pour leur opposition à Jean-Luc Mélenchon, comme Jean Quatremer ou Jean-Michel Apathie, participent à la polémique en tweetant :
Mais le 24 mars au soir, tout bascule ou presque lorsqu’un journaliste de Politis, présent lors de la déclaration de Mélenchon, publie son enregistrement sur le site d’informations. Or, sa version diffère de celle de l’AFP, que tous les médias avaient reprise. Alors que, selon l’AFP, Mélenchon aurait déclaré que Moscovici « ne pense pas français » mais « pense finance internationale », le leader du Parti de gauche a réellement déclaré que Moscovici « ne pense plus en français » mais « pense dans la langue de la finance internationale« , faisant tout de suite moins référence aux origines du ministre.
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