Reconnaissant l’accès à internet comme une liberté fondamentale, le Conseil Constitutionnel a saqué la loi Hadopi. Un revers pour Sarkozy, et le coup de grâce pour Albanel ?
Les vieux sages du Conseil constitutionnel au secours de la nouvelle génération baignant dans la culture du LOL et du FAIL : Au-delà de l’image (savoureuse), il y a le parcours chaotique de la loi Hadopi qui, vidée de sa substance, pourrait vivre ses derniers jours, avant même d’avoir été promulguée. Le 10 juin, les membres du conseil ont en effet censuré le volet répressif, dit de « riposte graduée ».
Surtout, en plus d’apporter l’ultime estocade à la tête fragilisée d’une loi déjà attaquée par ses nombreux opposants à l’Assemblée nationale et sur le net, cette sanction affirme l’importance d’internet dans un Etat de droit démocratique. La Commission européenne de Bruxelles s’est elle-même félicitée de cet avis hissant « l’accès à internet au rang d’une liberté fondamentale ». Et ce alors que le ministère français de la Culture s’acharnait début mai dernier, au moment du vote à une très large majorité de l’amendement 138 au Paquet Télécom, à affirmer que « l’accès à Internet à son domicile ne s’était vu reconnaître le statut de « liberté fondamentale » à l’égal, par exemple, de la liberté de croyance, de la légalité des peines ou du droit de propriété, dans aucun pays du monde. »
Trois principes ont guidé l’avis des sages (qui, pour rappel, se prononcent sur la conformité des lois au bloc de constitutionnalité en se référant aux textes fondateurs parmi lesquels la Constitution de 1958, le préambule de 1946 ou la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) : internet est une composante de la liberté d’expression et de consommation, c’est la justice et non une autorité administrative qui doit prononcer une sanction en cas de téléchargements illégaux, et c’est « la présomption d’innocence » qui prime dans le droit français. Citant la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : » La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi « . Et d’ajouter : « l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services. »
Ce revers magistral, rare dans l’histoire des lois contemporaines (rarement censurées, ou le plus souvent sur des aspects secondaires des textes législatifs), est aussi un échec pour Nicolas Sarkozy qui a fait du succès d’Hadopi un point d’honneur personnel. Et pourrait bien sonner le glas pour Christine Albanel, qu’on annonce d’ores et déjà sur un siège éjectable pour le remaniement à venir.