Avis aux amateurs : une ville de deux habitants est à vendre au fin fond du Montana. Plantée à l’entrée d’une réserve indienne, Garryowen attend toujours son nouveau maire. Un poste délicat, entre Indiens pas contents et nostalgiques des Tuniques bleues.
C’est l’histoire d’une toute petite ville qui fait un gros flop. Aux Etats-Unis, Garryowen, charmante station essence de la Highway 90, avait mis le paquet pour trouver preneur. La semaine dernière, l’annonce de sa mise aux enchères par la maison de vente Williams & Williams faisait le tour du monde. “USA : ville de deux habitants à vendre” rigolaient nos confrères. En vain. Ce 15 août, le marteau du commissaire priseur est resté amorphe.
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A première vue, l’affaire ressemblait à une bonne affaire. 250 000 dollars (prix de départ) pour un petit bout de Montana en plein coeur de la réserve indienne Cow, avec possibilité de s’auto-proclamer maire de la ville et d’administrer deux sympathiques autochtones – un certain Chris Kortlander et son assistant.
Sur la page Facebook de Williams & Williams, les internautes s’y voyaient déjà. “ Si j’étais propriétaire de la ville, je la rebaptiserais Enchère Ville”, proposait l’un d’eux. Plus ambitieux, un autre aurait “construit un parc d’attraction pour tous ceux qui détestent porter des pantalons. Bien sûr, juste à côté, j’aurais construit un pavillon psychiatrique au cas où les gens prennent peur dans le parc”. La race canine n’est pas en reste. “Moi j’aurais nommé mon chien maire de la ville”, assure un grand fou – ce à quoi un mauvais coucheur propose “un arrêté municipal pour bannir les chien de la ville”. Bref, l’utopie.
Mais Garryowen n’est pas une ville rigolote. Du Subway au magasin de souvenir, en passant par le dépanneur auto, l’Histoire militaire avec un grand H pèse de tout son poids sur les 3 hectares de terrain. C’est là que, naguère en 1876, se déroula la terrible bataille de Little Big Horn, littéralement Bataille du Petit Mouflon. D’un côté, le 7ème régiment de cavalerie du lieutenant-colonel Custer, surnommé Yellow Hair, soit « Cheveux Jaune », par ses ennemis les Indiens. De l’autre, des Cheyennes et des Sioux. Au milieu, des montagnes sacrées avec de l’or dedans. Au terme d’un sanglant affrontement, le lieutenant-colonel Custer meurt et s’arrange pour devenir un mythe américain. INDIANS WINS, une fois n’est pas coutume. Les Blancs ont perdu une bataille, mais gagneront la guerre un an plus tard.
Aujourd’hui plus que jamais, le fantôme du lieutenant-colonel Custer hante la station-essence. Sacré « Personnalité touristique du Montana » en 2004, Chris Kortlander a fait du lieu un passage obligé pour tous les fans de l’armée américaine. Car Garryowen est à Custer ce que Disneyland est à Mickey : une maison merveilleuse. Tombe du soldat inconnu (« la seule tombe du soldat inconnu privée des Etats-Unis » nous précise-t-on), mémorial de la Paix en granit, reconstitution de la bataille avec Indiens véritables et costumés, parcours guidé entre les stèles, et un joli musée. A vendre, des sweats à imprimé tombal. Custer est vengé.
« Cette terre est la preuve que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire et font les cartes, écrit une chercheuse du coin, Mary Zeiss Stange. Le racisme des guerres Indiennes est inscrit dans le paysage« . Attention contrée sensible, dans laquelle les Indiens ont attendu 2003 pour être autorisés à construire leur mémorial à eux. « C’est une région dans laquelle certains disent encore ‘Prairie Afros’ pour parler des Indiens de la réserve, et où le journal local publie un offre de petit boulot à temps partiel destiné à un ‘Indien’ « . Ambiance.
La hache de guerre est rouillée mais Garryowen grince encore. Depuis quelques années, les Indiens de la réserve accusent le maître des lieux de revendre illégalement quelques-unes de leurs parures en plumes d’aigles protégés, et des pochons magiques de chaman. Chris Kortlander clame son innocence et tente de récupérer les objets confisqués par la justice. A court d’argent, c’est la deuxième fois qu’il tente de vendre le terrain de sa petite ville pour pouvoir garder le musée. L’offre tient toujours. Pour ceux que ça intéressent, contacter Williams, ou Williams.
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