A l’appel de l’Union nationale des lycéens (UNL), une manifestation lycéenne a eu lieu entre Stalingrad et République vendredi 7 décembre, à Paris. Au lendemain de la diffusion des images des lycéens de Mantes-la-Jolie agenouillés et mains sur la tête, l’indignation était partagée par les manifestants.
Les images de leur interpellation ne cessent de susciter l’indignation depuis leur diffusion sur les réseaux sociaux : jeudi 6 décembre, devant un lycée de Mantes-La-Jolie (Yvelines), 153 lycéens se sont retrouvés à genoux, mains sur la tête ou derrière le dos, le tout sous la surveillance de policiers armés de matraques et de boucliers. Ces adolescents avaient été interpellés à la suite de violences commises en marge de blocages de deux établissements environnants – ce jour-là, c’est en tout 700 lycéens dans toute la France qui ont été concernés par des interpellations.
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Aussi, lors de la manifestation à l’initiative de l’Union nationale des lycéens (UNL) ce vendredi 7 décembre – l’appel à se mobiliser contre la réforme du bac ou encore de l’accès à l’université, dans le sillage du mouvement des gilets jaunes, avait été lancé dès lundi 3 décembre – nombre de lycéens évoquent cette vidéo et les violences policières. “Tout le monde déteste la police”, crient en choeur plusieurs d’entre eux, réunis sur la place de la Rotonde, à Stalingrad (Paris XIXe), lieu de départ de la manif, prévue pour aller jusqu’à République. Alors que 200 lycées sont perturbés depuis le matin, plusieurs centaines d’adolescents ont fait le déplacement. Aux cris de “Macron démission”, “Macron t’es foutu, les lycéens sont dans la rue” ou encore “Macron tu fais la guerre, et ta police aussi, mais on reste déter pour bloquer le pays”, le cortège s’est mis en branle dans le calme vers 11h30.
“Nous n’avons pas à nous taire”
Parmi les manifestants, Camille, 16 ans, lycéenne à Paris en 1ère S. La jeune fille a plusieurs griefs à faire savoir : “Parcoursup, la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers… On s’était déjà mobilisés l’année dernière, mais on n’est jamais entendus. Mais nous n’avons pas à nous taire.” Concernant la réforme du lycée, qui prévoit dès la rentrée 2019 la suppression des séries de la voie générale, remplacées par des enseignements de spécialités, elle est également plus que sceptique. “Il n’y aura pas les mêmes spécialités dans tous les établissements [voir cet article à ce propos], ce qui n’est pas juste. Et, par ailleurs, choisir sa spécialité dès la seconde, celle qui déterminera les études après le bac, c’est trop tôt.” Un avis partagé par un lycéen, en classe de seconde justement, qui nous interpelle alors que l’on discute avec son copain : “C’est trop difficile de faire le choix si jeune.”
On croise ensuite un jeune homme avec un mégaphone, qui nous indique avec malice “ne pas trop être au courant de la réforme”, et nous renvoie vers un ami à lui, bien mieux informé. C’est le cas : Ulysse, 17 ans, en terminale L au lycée Voltaire, à Paris, est prolixe. “Je suis ici pour soutenir le mouvement lycéen, mais aussi pour soutenir les profs, dont 2000 postes vont être supprimés en 2019. Et puis, cette histoire de spécialités, cela va faire que l’on va avoir un bac par lycées, pas un bac national. On va vers une forme d’élitisme, à la fois traditionnelle et insupportable : par exemple, les élèves méritants de banlieue seront défavorisés par rapport aux élèves méritants du coeur de Paris. [rapport à l’inégale répartition des spécialités dans les lycées ndlr].” Concernant les images de Mantes-la-Jolie, l’adolescent évoque “une escalade de violences qui fait très peur”.
“C’est une provocation à l’égard des élèves, du mépris à l’encontre des profs”
Il n’y a pas que les lycéens pour penser ainsi : dans le cortège, des étudiants – l’une d’elle, très critique par ailleurs de la réforme de l’université, assure avoir “pleuré toute la nuit” à leur visionnage, dénonçant une “dérive hyper-fascisante du gouvernement” – des profs ou encore des membres de syndicats et des responsables politiques dénoncent ce qu’ils ont vu sur cette vidéo. Comme par exemple l’ex-Secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent, qui affirme être “totalement scandalisé par la réaction de Jean-Michel Blanquer” à propos de cette affaire [ce matin sur France inter, le Ministre de l’Education nationale a reconnu “des images choquantes” mais a également mis en avant le “climat de violence exceptionnelle” à l’oeuvre en ce moment, appelant à remettre cette vidéo dans son contexte, ndlr]. Le Sénateur de Paris est ainsi venu aujourd’hui “en soutien des revendications des lycéens, mais aussi, si possible, pour servir de protection pour eux, vu les interventions incroyables de la police des derniers jours”.
Adeline, professeure dans le collège Gustave Courbet de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), accompagnée de plusieurs collègues, dit la même chose : “C’est notamment à cause de la crainte que la police se laisse aller à des excès s’il n’y avait pas d’adultes à la manif que nous sommes venus.” La vidéo de Mantes-La-Jolie a été pour elle “un electrochoc” : “C’est une provocation à l’égard des élèves, du mépris à l’encontre des profs : quand on entend dans la vidéo “Voilà une classe calme”, cela sous entend qu’il faudrait nécessairement des flics pour tenir une classe !”
Celle qui arbore une pancarte « Moins de répression, plus d’éducation » se sent d’autant plus sensibilisée à la question que c’est non loin de son collège, au lycée Utrillo, à Stains, qu’un ancien gendarme a récemment été nommé proviseur adjoint à la sécurité de l’établissement, ce qui a provoqué un tollé. A l’évocation du mouvement des gilets jaunes, l’enseignante venue en soutien des lycéens se dit par ailleurs “solidaire de tous les gens se considérant malmenés par ce gouvernement”. Rue du Faubourg du Temple, un vieux monsieur applaudit au passage du cortège, tout en criant “bravo!”, tandis qu’un homme agite par sa fenêtre un gilet jaune… et est alors acclamé par les adolescents. A l’arrivée à République, plusieurs d’entre eux se mettent à genoux, mains sur la tête, pour tristement rappeler ce qui s’est passé la veille à Mantes-la-Jolie. Le défenseur des droits a, quant à lui, annoncé l’ouverture d’une enquête.
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