Depuis le 28 juin, Gilles Carrez est président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. L’un des seuls postes importants entre les mains de l’opposition. Entretien.
Dans une France rose (présidence de la République, la majorité des grandes villes et régions françaises, à l’Assemblée nationale et, pour la première fois, au Sénat), le Conseil constitutionnel et votre poste sont-ils les derniers lieux institutionnels de pouvoir pour la droite ?
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Gilles Carrez – Dans beaucoup de démocraties évoluées, la présidence de la Commission des finances de l’Assemblée nationale revient à l’opposition. Plus exactement, par le biais des finances, le contrôle de l’action du gouvernement et de la majorité est confié à l’opposition. C’est le cas en Allemagne au Bundestag, depuis très longtemps au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Nicolas Sarkozy a voulu cette réforme, c’est lui qui l’a imposée en 2007. Elle s’est traduite, ce que l’on ne sait que trop peu, par une disposition juridique dans le règlement de l’Assemblée.
En 2007, quand Nicolas Sarkozy décide d’attribuer la présidence de la commission des finances à un député de l’opposition, vous vous montrez réservé et déclarez que ce poste » ne doit pas devenir une tribune politique pour critiquer systématiquement les choix fiscaux du gouvernement ».
Je veillerai à prendre un soin particulier à donner les chiffres et, à partir de là seulement, à prendre une position politique. Cette réforme est positive parce qu’elle permet à l’opposition de bénéficier d’un accès aux informations que nous n’avions pas jusqu’à présent.
Le pouvoir exécutif faisait-il de la rétention d’information ?
Pour avoir vécu 1997-2002 dans l’opposition, c’était extraordinairement difficile de faire son travail parlementaire dans de bonnes conditions. Désormais, nous avons accès « en direct » à toute l’information émanant du gouvernement et des administrations. Et je suis sûr que cela permettra d’éviter les polémiques stériles, les procès d’intention.
Est-ce le seul levier de votre fonction ?
L’autre dimension, c’est d’assurer la bonne organisation des débats et de veiller au respect des droits de l’opposition au sein de la commission. Ensuite, c’est évidemment l’accès médiatique.
Une sorte de « tribune politique » d’opposant en somme…
Si je prends l’exemple de mes deux prédécesseurs, Didier Migaud avait une certaine réserve dans son expression médiatique. C’était lié à son tempérament. Jérome Cahuzac se montrait beaucoup plus punchy. C’était aussi lié à son tempérament et à sa pratique de la boxe. Pour ma part, j’envisage cette fonction avec un souci constant de pédagogie et de vérité des chiffres. Je souhaite m’imposer une certaine rigueur dans l’expression médiatique.
Pourtant, ce matin même (mercredi 4 juillet), vous sortiez de votre réserve en affirmant que, contrairement à ce qu’avait promis François Hollande, l’exonération des heures supplémentaires serait également supprimée pour les entreprises de moins de vingt salariés…
Oui. Jusqu’à tard hier soir, des journalistes de bonne foi m’ont appelé pour me dire que l’on conservait les exonérations dans les entreprises de moins de vingt salariés. Regardez le texte (il nous fait lire le texte émanant du Conseil des ministres), c’est faux. Seules les exonérations patronales demeurent. J’ai interrogé le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, sur ce point, il a bien confirmé que ce serait pour tout le monde.
(Nous lui montrons un article du Monde sur notre ordinateur, et lui faisons remarquer que ses précisions n’ont pas été entendues par le quotidien, qui opère toujours une dichotomie pour les entreprises de moins de vingt salariés…) Ah, mais c’est faux. Bien, on va faire quelque chose de très intéressant. (Gilles Carrez demande à sa secrétaire d’appeler la journaliste auteur de l’article. Le téléphone sonne). Bonjour, comment allez-vous ? Il faudrait que vous méditiez l’exposé des motifs de la loi de finances car vous indiquez que l’on garde les exonérations fiscales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés. Relisez avec votre objectivité habituelle… (Après dix minutes de conversation, il raccroche, l’air visiblement satisfait). Elle va faire un papier là-dessus. Voilà un bon exemple du rôle que je compte tenir. Quand j’étais rapporteur du budget, combien de fois j’ai été convoqué à l’Elysée… Sarko était furax. Et pourtant, dès le premier jour, je lui avais dit qu’on allait se planter avec le bouclier fiscal.
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