Les formats de programmes circulent d’un pays ou d’un continent à l’autre, convoités par des chaînes en quête d’audience. Mais les téléspectateurs sont friands de fictions locales et veulent agir avec leur téléviseur.
En télévision, la mondialisation semble être la meilleure assurance pour l’audience. TF1 l’a prouvé le 11 janvier dernier avec The Voice : 9,8 millions de téléspectateurs, soit un démarrage record pour la troisième saison du télé crochet à la quarantaine d’adaptations à travers le monde. Le succès international du format s’explique par la nécessité pour les chaînes, face à une concurrence croissante, d’aller chercher des nouveautés ayant déjà fait leurs preuves ailleurs. M6 a ainsi en octobre dernier décroché – pour un million de $ selon les Echos – les droits de Rising Star. Cet autre télé crochet, qui a fait un carton sur Channel 2 en Israël, s’est arraché lors du dernier marché des programmes, le Mipcom.
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Le phénomène d’internationalisation touche tous les genres, confirme l’étude sur les tendances TV internationales d’Eurodata TV Worldwide. Le service de veille des programmes de Médiamétrie, qui s’est penché sur la saison 2013/2014 dans une trentaine de pays, montre qu’en fiction, les studios américains par exemple acquièrent des idées sur d’autres continents : en France pour la série Hard de Canal+, en Turquie (The End) ou en Corée (Nine Nine Times Ten). La fiction israélienne Hostages, qui raconte le chantage exercé par des ravisseurs sur la famille d’une chirurgienne chargée d’opérer le premier ministre, « a même été vendue, adaptée et diffusée aux USA avant sa mise à l’antenne dans son pays d’origine« , souligne Amandine Cassi, directrice du pôle Etudes internationales d’Eurodata TV Worldwide. Cette tendance est globale. Au Danemark, la fiction The Legacy qui a attiré début janvier 6 téléspectateurs sur 10, était déjà vendue à des producteurs anglais, australien, belge et néerlandais, en vue de son adaptation.
Les formats en divertissement voyagent également beaucoup. Le Vendredi, tout est permis d’Arthur se décline sous l’appellation Anything Goes. Et le format belge That Awkward Moment fait un carton. Le programme au ressort assez simple :-des saynètes racontant des situations embarrassantes- est déjà diffusé aux Pays-Bas et adapté en Australie. Pourtant, l’humour constituerait ce qui est le plus difficile à partager. D’ailleurs, (contre-effet de cette mondialisation ?), les téléspectateurs ont été attirés par des programmes basés sur la culture populaire et le patrimoine local. Marvel Agents of S.H.I.E.L.D., série tirée du film The Avengers avec ses célèbres super-héros, a d’abord eu les faveurs du public outre atlantique, avant de débarquer dans une centaine de pays. En Espagne, la mini-série The Time in Between, une histoire d’amour tirée d’un best-seller Entre Costuras, a doublé son audience entre le premier et le dernier épisode.
« Les initiatives prises dans plusieurs pays pour favoriser les fictions locales ont porté leurs fruits« , explique Julia Espérance, consultante médias d’Eurodata TV Worldwide. Et permis à de nombreux Belges de suivre, avec Eigen Kweek, les (més)aventures d’une famille flamande d’agriculteurs reconvertie dans la production de cannabis. Le public scandinave a, lui, partagé la vie désastreuse d’un parlementaire européen, avec Kansas Mies, ou vécu au rythme de Badelhotellet, une saga se déroulant dans l’entre deux guerres. En Hollande, la quête amoureuse sur internet d’une femme trompée, dans Sophie’s Web, a passionné les téléspectateurs. Cette série jouait sur la modernité du fond et de la forme, en se basant en partie sur des images de webcam.
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« La culture technophile de notre univers très connecté imprègne les programmes TV dans leur conception, leur production et leur consommation« , relève Amandine Cassi. Cela se traduit dans les émissions scientifiques qui s’appuient sur des expérimentations, par le recours aux technologies pour vulgariser les connaissances. En Australie, Redesign my Brain explique le fonctionnement du cerveau en faisant passer simultanément des tests au témoin du programme et au téléspectateur devant son écran. La chaîne norvégienne NRK3 a montré dans Fylla les bacchanales de jeunes pour mesurer les conséquences de l’alcool sur l’organisme. Résultat: sans doute quelques cuites et surtout une part d’audience qui a quadruplé.
L’explosion des réseaux sociaux a également marqué les programmes. Diffusée en France sur D8 avant les fêtes, What Ze Teuf, une série quotidienne de 15 épisodes courts a été réalisée à partir des 140 caractères envoyés par des twittos. D’autres programmes ont eu recours au collaboratif, tels 7 Days Later en Australie et Sjit Happens au Danemark. Le public est de plus en plus appelé à participer, en particulier avec le multi-écrans. C’est une des raisons du succès international de Rising Star, dont le public vote via une application pour le candidat de son choix qui apparaît directement à la TV. L’ordinateur, la tablette, le smartphone accompagnent le téléspectateur qui interagit, accède à des bonus, commente en même temps qu’il regarde le programme. En mars prochain, la série Anarchy commandée par les nouvelles écritures de France Télévision devrait mixer toutes ces possibilités.
Mais, face aux excès du tout connecté, la mode est à la détox, à la déconnexion. « La TV exploite la tendance de la pause numérique« , explique Julia Espérance en mettant en avant la volonté d’explorer des territoires vierges. Le public américain a regardé avec envie Naked Afraid, où deux participants en tenue d’Adam et Eve tentaient de s’adapter à un environnement hostile. Et John de Mol, le pape de la télé réalité, a lancé un nouveau concept, Utopia, sur la chaîne néerlandaise SBS6. Il s’agit de suivre quotidiennement pendant un an des cobayes qui essaient de vivre ensemble avec de nouvelles règles définies ensemble. Plus futuristes, Space Race et Milky Way Mission attendues respectivement aux USA et Pays-Bas vont permettre à un téléspectateur d’être sélectionné pour conquérir le ciel. Mais une chaîne norvégienne a proposé, elle, aux téléspectateurs de ralentir radicalement le rythme, avec la diffusion du National Knitting Evening. Soit 19 heures à regarder des candidats rivaliser dans un concours de tricot ! Une adaptation bientôt sur France 3 ?
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