L’affaire WikiLeaks a fait sortir du bois l’entreprise française OVH, premier hébergeur Internet européen, entièrement gérée par un clan familial.
« La France ne peut héberger des sites internet qui violent ainsi le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique. »
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Dans sa lettre au Conseil général de l’industrie de l’énergie et des technologies datée du 3 décembre, Eric Besson est clair : WikiLeaks ne saurait être hébergé dans l’Hexagone. Car la machine à fuites de Julian Assange est partiellement hébergée dans une forteresse de Roubaix : OVH, une entreprise à l’immense façade austère, et aux bâtiments de tôle ultrasécurisés, située en plein coeur de « La Roubaix Valley ».
Les gérants découvrent la lettre de Besson dans la presse, et avec elle… l’identité de leur client controversé. « Un cas pas évident à gérer, aux enjeux qui nous dépassaient un peu », se souvient Octave Klaba, président d’OVH. « Nous n’avons pas accès au contenu des serveurs, et WikiLeaks n’est pas un client direct. Nous ne sommes qu’un prestataire technique », explique, posément, Henryk Klaba, le directeur général d’OVH, et père d’Octave.
« Des demandes d’interdiction, nous en avons tous les jours, parfois pour des sites pédophiles, et nous nous y plions. WikiLeaks est un client comme les autres, et la France un pays de droit », renchérit le fiston.
Conséquence : OVH a demandé à la justice de statuer sur la légalité de cet hébergement. Sans résultat, faute d’un dépôt de plainte. « Au final, on suppose qu’ils sont toujours clients, conclut Henryk. Tout ce qu’on retient de cette histoire, c’est qu’elle a confirmé la fiabilité de nos installations. »
Une success story familiale
A 62 ans, cet ingénieur bonhomme diplômé de Polytechnique Varsovie est fier du « bébé OVH », géré depuis 1999 par les Klaba : 400 000 clients, hébergeur d’un tiers des sites internet français et une quinzaine de filiales dans le monde. Arrivés de Pologne avec 6 000 francs en poche au début des années 1990, les Klaba ont débuté dans la distribution de parfums et de lampes à huile, dans une ancienne usine sans toiture, qu’ils réparent eux-mêmes.
Leurs fils Octave et Miroslaw se passionnent pour l’informatique, les nouvelles technologies, depuis que leur père leur a dégotté un ordinateur au marché aux puces de Varsovie. Tous deux font leurs classes dans une école d’ingénieurs lilloise. En 1999, Octave crée des sites internet depuis le garage de l’entreprise parentale. « Bidouilleur, autodidacte, travailleur », celui qui est aujourd’hui président d’OVH s’inspire d’un hébergeur de Pennsylvanie : un garage au milieu de nulle part, la fibre optique et un data centre. La recette du succès, appliquée plus tard à Roubaix.
De trois salariés en 2001, OVH est passée à 300 en 2011, et le garage miteux a laissé place à 3 000 mètres carrés de locaux design. Cheveux en pétard, piercings, pas encore 30 ans : le salarié d’OVH est aussi fougueux que corporate. « On travaille en équipe, tous les capitaux sont familiaux. L’argent est un outil, ce qui compte le plus, ce sont les gens », aime à répéter Henryk.
L’argent ne manque pas (100 millions d’euros de chiffre d’affaires), et les perspectives non plus : depuis quinze jours, OVH a ouvert une filiale en Tunisie. La chute de Ben Ali a accéléré les choses, qui jusque-là stagnaient, dans « un climat menaçant. On avait recruté nos équipes depuis 2009, tout était prêt, mais des proches du gouvernement cherchaient à nous dissuader, de peur qu’on siffle tout le marché. Ils nous menaçaient de hacker le site », analyse Octave. Prochaine étape pour OVH : tisser sa toile aux Etats-Unis.
Virginie Ballet
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